Antoinette dans les Cévennes

Sur la route

Une heure et demie de kif au grand air. C’est le cadeau qu’offre Caroline Vignal pour son retour derrière la caméra. Un cheminement libérateur, mené vaillamment par la savoureuse Laure Calamy.

L’auteur de L’Île au trésor et de L’Étrange Cas du docteur Jekyll et de Mr Hyde l’avait déjà fait… Il en avait même tiré un autre livre, Voyage avec un âne dans les Cévennes, inspiration de ce film. Dans ce second long-métrage de Caroline Vignal, l’héroïne emprunte, à son tour, le fameux chemin que Robert Louis Stevenson foula en 1878, et qui fut renommé GR 70. Mais le couple de l’ouvrage est inversé. Le duo homme/ânesse est devenu femme/âne. Un argument narratif, revu au féminin, sur lequel repose cette aventure réjouissante, comédie existentielle qui colle aux basques d’une marcheuse pas comme les autres. Une prof des écoles, accro à un homme marié, et qui, flouée par son amant au moment de partir ensemble en vacances, rejoint le même endroit que la petite famille officielle.



Mais la réalisatrice ne joue pas que la carte du quiproquo. Elle dessine avant tout le portrait d’une femme. Enthousiaste, impulsive, amoureuse. Prête à utiliser ses élèves en culottes courtes pour déclarer sa flamme en spectacle de fin d‘année, via un tube de Véronique Sanson, comme à s’embarquer dans un périple solitaire avec un animal qu’elle ne connaît pas. Du burlesque, du loufoque, jamais loin de l’émotion viscérale. Vingt ans après son premier film, Les Autres Filles, Caroline Vignal tricote les humeurs avec un dosage bien senti. Antoinette en découvre autant sur elle-même que sur le décor ressourçant qu’elle traverse. Mêlant les genres, l’auteure convoque aussi le conte et le western, semés d’animaux, d’une cavalière rebouteuse et d’un motard charmant nommé « Shériff », dans un format Scope lumineux, grâce aux images de Simon Beaufils.



La caméra se meut dans l’espace autant qu’elle suit de près les battements de cœur. Mouvement et énergie accompagnent la renaissance d’Antoinette. Pour porter cet élan, une actrice au talent enfin déployé dans un premier rôle de long-métrage : Laure Calamy. Capable de passer en une seconde de la tornade à l’abattement, elle creuse toute la gamme de son jeu, en pleine marche comme à l’arrêt. Seule, face à l’impayable équidé Patrick, comme avec ses partenaires de passage, de l’excellent Benjamin Lavernhe à l’épatante Olivia Côte, qui assure un savoureux monologue, en passant par une ribambelle de visages judicieusement choisis (Marie Rivière – clin d’œil au Rayon vert de Rohmer -, Lucia Sanchez, Maxence Tual, Jean-Pierre Martins…). Antoinette dans les Cévennes fait du bien, avec modestie et finesse, tout en mariant harmonieusement le ton personnel et l’ardeur populaire.