Gerontophilia

Un garçon de dix-huit ans, soudain attiré par des hommes âgés, tombe amoureux d’un octogénaire. Il n’en fallait pas moins au roi du trash gay underground Bruce LaBruce pour son premier long-métrage grand public. Car Gerontophilia n’a rien à voir avec la radicalité porno et le militantisme exhibitionniste de No Skin off My Ass, Super 8½, Hustler White, The Raspberry Reich ou L.A. Zombie. Mais la subversion est là. Pas tant dans le titre du film, coup marketing qui joue la carte de la provoc’ et ne représente pas l’âme de l’œuvre. Quatre-vingt-deux minutes d’une douceur extrême. D’une candeur et d’une bienveillance totale. Lake est un p’tit gars tranquille, qui aime dessiner et rendre service aux autres, avec un poster de Gandhi à sa tête de lit et une croix autour du cou. Du baiser initial qu’il échange avec sa copine Désirée, à la promesse finale de nouvelles rencontres, ce road movie existentiel et romantique touche par sa générosité. Par son humour aussi, tel le gimmick des deux jeunes qui listent les femmes révolutionnaires (« Winona Ryder » – « Winona Ryder ? » – « Voler, c’est révolutionnaire »). Oui, LaBruce révolutionne, mine de rien, la représentation du désir à l’écran, via l’union d’un jeunot fétichiste à gueule d’ange et d’un vieux routard à la peau tannée, entre Montréal et les chutes du Niagara. Il réussit aussi le passage au budget confortable et au projet « mainstream » sans vendre son âme au diable, et il révèle un acteur en herbe : Pier-Gabriel Lajoie.