L'Élan

Mystères champêtres

Dans un petit village reculé de la cambrousse française, une mystérieuse créature à tête d’élan apparaît. Légèrement surpris, à peine inquiets, les autochtones échafaudent diverses théories sur la provenance de ce drôle d’animal qui, mine de rien, va bouleverser leur quotidien.

Premier film du réalisateur de télé Etienne Labroue, L’Élan est un film fantastique burlesque, un conte de science-fiction bricolé. N’y cherchez pas l’Oscar des Meilleurs Effets Spéciaux, ici les SFX sont volontairement grotesques. Cette patte bidouille et bricole, le film l’assume jusqu’au bout, avec sa mise en scène outrageusement désuète et surtout son élan joué par un acteur en costume peluchant qui donnerait une crise cardiaque à Andy Serkis et à tous les maîtres de la motion capture.

Etienne Labroue place son film dans un vague passé archaïque où se mélangent années 1960 et années 1990 dans une tambouille rétro ou vintage, qui joue sur le kitsch et les effets de transparence ringards. On regrettera peut être le manque de finesse de cette mise en scène, qui est parfois très réussie, drôle et inventive, mais qui, par ailleurs, en cherchant l’originalité à tout prix, nous empêche d’apprécier le film et son récit.

Car au-delà de cette mise en scène qui souffre du joli défaut d’excès d’originalité, c’est surtout les personnages et le découpage de l’histoire qui donnent à L’Élan son éclat. En parodiant les reportages scientifiques, Labroue découpe son film en « hypothèses » sur la provenance de la créature, permettant de suivre cette histoire de manière rythmée, fluide et presque pédagogique. Au fur et à mesure que le film progresse et les hypothèses s’affinent, L’Élan se rapproche des Petiot, une famille du village ayant décidé de l’adopter. Sans grande difficulté, il finit par s’intégrer à la société locale, et revivifie même l’économie du village en devenant la mascotte de la station-service. Mais c’était sans compter la communauté de chasseurs, qui voient d’un mauvais œil l’arrivée de cet alien, cet allochtone « heimatlos » ressemblant tout de même drôlement à une bestiole qu’ils tardent de dézinguer.  Toute ressemblance, même métaphorique, avec des faits réels est bien entendu fortuite.

Si l’on fait abstraction de ces chasseurs un peu rustres, difficilement identifiables individuellement et dont la horde est menée par la pharmacienne du village (Servane Deschamps), le film offre pléthore de personnages burlesques et amusants, à commencer par Willy de Crook (Arsène Mosca), scientifique-mystique, spécialiste des phénomènes occultes, des apparitions extranaturelles et des mots compliqués et étranges, qui sert de narrateur au film. Alors que de nombreux autres personnages masculins de L’Élan sont souvent grotesques, Willy de Crook est d’autant plus drôle par son sérieux et son ton d’enseignant-chercheur qu’il tient du début à la fin du film. On en dira moins du personnage joué par François Morel, un garagiste maroufle très rationnel qui rappellera des souvenirs aux fans des Deschiens. Enfin, il faut aussi citer le très surprenant Bernard Montiel, ex-animateur star de TF1 jouant ici son propre rôle pour ce qui est bien plus qu’un caméo. Bernard Montiel est-il la clé de voute de la connexion entre humains et extraterrestres ? On ne peut rêver mieux comme teasing.

On fait ainsi la connaissance avec une assemblée de protagonistes, semblant sortis à mi-chemin d’une BD franco-belge et d’une troupe d’impro, menée par un personnage principal très fort, Shelby Petiot (interprété par Délia Espinat-Dief, qu’on a pu voir dans Tristesse Club), fille unique de la famille Petiot, menant la barque bien loin des stéréotypes de l’adolescence. Quelque part entre conte absurde, récit pastoral et film de science-fiction grolandais, L’Élan est une drôle de fable franchouillarde, un peu maladroite mais toujours très amusante et bon enfant. De ce voyage dans le fin fond d’une Vendée mythique, à défaut de mystères enivrants, on se souviendra surtout de la rencontre avec ces personnages cocasses, sympathiques et attachants.