Illégitime

Eaux troubles

Subversif. Ce quatrième long-métrage du quarantenaire roumain Adrian Sitaru l’est de part en part. Les eaux troubles inondent son travail depuis son premier opus Picnic, sorti en France en 2009. Les deux suivants sont restés inédits dans l’hexagone. Ça démarre ici par un déjeuner familial qui vire au pugilat verbal et quasi physique. La mère est morte, et le père est mis au pied du mur par ses enfants devenus grands, qui ont découvert sa face sombre du temps de l’ère Ceausescu. Le robinet des rancoeurs et des affrontements est ouvert. Sans compter la fusion totale et extrême des deux petits derniers, fille et garçon jumeaux, soudain vouée à se perpétuer. Une toile familiale minée, qui sert de canevas à un huis clos narratif enserrant chaque membre de la généalogie. Aucune morale dans cette chronique sans tabous. Juste la mise à plat de réalités difficilement digérables, que le cinéaste filme frontalement et sans fioritures. Avec sa scénariste et actrice principale Alina Grigore, il évite la complaisance, mais pas l’inconfort. Celui d’un passé poisseux, d’un présent perturbant, et d’un avenir incertain. Prix Cicae (Cinémas d’art et d’essai) à la dernière Berlinale, cette aventure intrigue et ne caresse pas dans le sens du poil. Illégitime ou la confirmation d’un auteur qui n’a peur de rien, sauf de la fadeur d’un cinéma poli et rangé.