Gemma Bovery

Les temps modernes n’ont pas enterré le bovarysme, l’ennui conjugal, la langueur romantique, le péril amoureux. L’abondance des illusions demeure, avec elles le désir de désirer. Dans le glissement d’Emma Bovary à Gemma Bovery, le roman graphique de l’Anglaise Posy Simmonds s’est inscrit dans ce temps continu du roman de Flaubert, avec sa correspondance contemporaine : Gemma est une fille d’aujourd’hui. En adaptant la BD au cinéma, Anne Fontaine dépasse cette simple permanence de la figure d’Emma en caractère féminin de notre époque – Gemma Arterton en joue la variation fantaisiste. La réalisatrice fait acte de transfiguration et met en scène le double masculin d’Emma. Ancien éditeur parisien réinventé en boulanger normand, ce Bovary tout entier pris par le pouvoir d’imaginer, fuit dans le romanesque flaubertien et confond le roman et la vie, sa voisine Gemma avec Emma. De sa fenêtre, du pas de sa boutique, ce héros mélancolique et contemplatif rêve la vie rêvée. Nul n’échappe au bovarysme, l’illusion sur soi, et il en est un type accompli. Bovary est un homme : qui d’autre que Fabrice Luchini, au verbe lettré ? Il est évident, il est formidable.