Festival de Cannes Jour 3

Barrières et gestes

Sophie Marceau en majesté aux marches du Palais, Gérard Depardieu absent mais très présent sur l’écran de la Semaine de la Critique, Juliette Binoche en visio et non sur la scène de la Quinzaine, car en tournage au Mississippi. Décidément, ce festival est bizarre autant qu’étrange.

Des barrières, il y en a à Cannes, pour faire converger le flux des voitures et des badauds, mais de gestes barrières, point tant … Si les autorités sanitaires faisaient un petit tour au Festival, elles seraient consternées par les masses de spectateurs agglutinés dans les files d’attente, avec masques, heureusement ; atterrées par l’impossibilité matérielle de nettoyer les salles entre deux projections, car les films, très nombreux, s’enchaînent à une vitesse phénoménale. Les tentes blanches, situées aux abords du Palais, ressemblent à celles qui abritaient jadis des pavillons étrangers venus présenter leur cinématographie, mais ici, dans ce « Centre de dépistage COVID », c’est moins glamour, on se racle la gorge et on crache dans un tube… Pour ceux qui ne sont pas « fully vaccined » et qui n’ont pas le QR code sésame qui va bien et qui bipe comme il se doit… Pas de cluster avéré pour l’instant, on croise les doigts.

Côté stars, le présentiel n’est plus ce qu’il était. Gérard Depardieu a très chaleureusement remercié la réalisatrice de Robuste, Constance Meyer, qu’il suit depuis ses débuts de court-métragiste… mais il l’a fait via une vidéo. Juliette Binoche a rendu grâce aux « invisibles » et au film d’Emmanuel Carrère qui les regarde si bien, Ouistreham… en visioconférence depuis le Mississippi. Mais l’accueil plein et entier fait à ces films était palpable dans les deux salles de la Semaine et de la Quinzaine, m’a-t-on dit (car le don d’ubiquité ne m’a pas encore frappée, ce qui est bien dommage d’ailleurs). Et puis, aux marches du Palais, Sophie Marceau, liane blanche entourée de Géraldine Pailhas, André Dussollier et François Ozon était là et bien là. Tout s’est bien passé, adapté du roman d’Emmanuelle Bernheim, et présenté en compétition, est un film grand public, un drame qui se mue en polar, une tragédie qui peut même faire rire, sur le droit à mourir dans la dignité. Dit comme ça, cela surprend, mais le film est très réussi, grâce à une mise en scène discrète et élégante, des acteurs plus que parfaits. Pourtant, à Bande à part, nous sommes partagés (lire nos avis ici).

Comme nous le sommes sur le film de Nadav Lapid, Le Genou d’Ahed, l’histoire d’un réalisateur en train de démarrer le tournage de son nouveau film sur une jeune femme menacée via les réseaux sociaux et qui, parti présenter une œuvre plus ancienne près d’un désert, se rebelle contre la censure en Israël. Chaos filmé dans le plus grand désordre, ce qui se comprend, mais reste bizarrement inopérant… (Lire ici les avis de la bande). Avec tout ça, on en oublierait presque qu’ailleurs en Haïti on assassine un président. Le cinéma ne guérit de rien, mais console de bien des choses.