Le tourbillon de la vie au territoire de Pagnol : autour du 20e festival d’Aubagne, cinéma et musique.
Cette semaine : la playlist, quelques notes & mots de Florencia Di Concilio
Florencia Di Concilio est une compositrice reconnue pour ses partitions de longs-métrages primés dans les festivals. Elle a aussi travaillé pour des artistes visuels tels que Camille Henrot et des compagnies de danse. Elle a récemment signé la bande originale d’Ava réalisé par Léa Mysius et vient tout juste de remporter le grand prix de la meilleure musique originale du court-métrage (Bulles d’air de Daouda Diakhaté) au dernier festival d’Aubagne. Florencia Di Concilio a grandi avec son père, qui jouait du jazz et du tango. Elle devient pianiste classique diplômée du Conservatoire de Boston, remporte de nombreux concours internationaux, écrit des concerti pour piano et se produit au niveau international. Elle maîtrise aussi la composition électronique, utilise les bruits de tous les jours telle une véritable sound designer, avec la même aisance qu’elle écrit pour les grands orchestres classiques. À l’honneur à Aubagne 2019 comme membre du Jury des longs-métrages, l’occasion était belle de la rencontrer.
Une scène mélancolique
Une scène enjouée
Une autre scène enjouée
Une scène héroïque
Une scène d’amour
Une scène effrayante
La composition en quelques mots
La lumière mise sur les compositrices à Aubagne a-t-elle eu de la valeur pour vous ?
Mes ovaires ne changent en rien les accords ni les figures rythmiques que je peux utiliser ! Il n’y a pas de manière féminine de faire de la musique. Mais ce focus à Aubagne est important pour montrer aux filles que si elles veulent faire ce métier, elles peuvent ! Dans le rapport au travail, ce n’est que lorsque j’ai eu des enfants que j’ai réalisé que j’étais une femme. Jusque-là je n’avais pas eu de remarques sexistes. Mais un jour, naïvement, j’ai invité un réalisateur avec lequel je travaillais à venir chez moi. Il a pâli d’inquiétude à la vue de mes jumeaux qui venaient de naître comme si j’avais soudainement changé dans ma disponibilité au projet… C’était étonnant ! À dire vrai, il m’est arrivé moi aussi d’embaucher des hommes plutôt que des femmes, selon des idées reçues dont nous sommes, nous-mêmes en tant que femmes, imprégnées.
Comment réagissez-vous au sentiment qu’évoque Jean-Paul Rappeneau lorsqu’il dit : « Le seul moment où le réalisateur est dépossédé de son film, c’est lorsqu’il laisse les “clés de la maison” au compositeur de la musique du film. » ?
Je le comprends tout à fait. En même temps (et je ne vous dis pas cela par complaisance), je pars toujours du principe que c’est le réalisateur qui connaît le mieux son film. Je vous donne un exemple : je travaille actuellement avec Marina de Van. Elle me laisse en général beaucoup de liberté, car nous nous entendons bien, nous avons des atomes crochus. Sur une séquence assez longue et complexe, j’avais composé une musique : ça marchait. Lorsqu’elle a écouté, elle m’a dit « super », mais en même temps, elle m’a expliqué que ce n’était pas ce qu’elle voulait dire dans cette séquence. Et effectivement, cette dernière pouvait être interprétée de plusieurs manières… Il y a quelques années, j’aurais tenté d’argumenter. Mais aujourd’hui, non ! Ce n’est pas mon film !
Vous êtes une compositrice complète, aussi bien dans le registre classique que moderne. Que pensez-vous de l’évolution des technologies musicales et quels conseils donneriez-vous à de jeunes compositeurs ?
J’aurais tendance à dire que la connaissance en plugins des compositeurs – pas tous, heureusement ! – va parfois au détriment de leur connaissance de la musique elle-même. Par exemple, vous pourrez toujours décorer parfaitement votre maison, mais si l’architecte n’y a pas mis les bonnes bases, tout va s’écrouler. J’entends beaucoup de choses qui tiennent de la mode ou de manipulations commerciales pour tel ou tel type de son, c’est dommage. Or, quand on connaît bien un domaine, on peut facilement outrepasser les modes et perdurer.