Sofilm Summercamp 2019 : de normal à Schlock

Du 19 au 23 juin à Nantes

Retour sur un jeudi insolite, à Nantes, lors de la 5e édition du festival estival organisé par le magazine Sofilm. Au menu du jour : François Hollande rappelle Keyser Söze à notre bon souvenir et John Landis discourt à n’en plus finir pour tenter de faire oublier son vieux singe.

« Le festival de cinéma décontracté », c’est ainsi que s’autodéfinit le Sofilm Summercamp. Exit les tapis rouges, les codes vestimentaires, les accès réservés : ici, un simple bracelet coloré tient lieu de sésame, que l’on soit organisateur, invité ou festivalier payant (= 25 € pour le pass festival, sac et T-shirt en prime, voilà un tarif on ne peut plus démocratique). La programmation, elle, mêle films en avant-premières (des reprises cannoises), séances spéciales et cartes blanches à des personnalités, en général proches de la galaxie Sofilm/Capricci.

 

Élections affectives

Lectrice régulière du magazine, j’ai plusieurs livres édités par Capricci sur mes étagères, et puis je suis tombée amoureuse de Nantes il y a quelques années, grâce aux Utopiales. Il fallait bien un jour additionner ceci et cela : c’est fait. Pas déçue du résultat !

Ayant organisé mon déplacement avant que la programmation ne soit – tardivement – dévoilée, j’ai démarré ma virée sur les chapeaux de roue. 1/ Arrivée du train en gare de Nantes, jeudi 20 juin, à 12 h 55. 2/ Premier rendez-vous incontournable (la Carte Blanche de François Hollande) à 13 h 30 au cinéma Katorza. 3/ Entre les deux, il fallait aller chercher le fameux petit bracelet coloré, tout là-bas, sur l’île de Nantes. Ouille. Je me dis alors que, même si je suis suffisamment rapide, la séance sera complète. Je me dis aussi et surtout que qui ne tente rien n’a rien. Et voilà la preuve que les dictons sont une science exacte : j’ai effectivement pu revoir Usual Suspect en compagnie de l’ex-président « normal », puis assister au drôle d’échange qui a suivi. François Hollande nous a expliqué pourquoi il a, in fine, choisi le film de Bryan Singer, avant de nous mettre en garde contre les théories du complot, ennemies de la démocratie – son leitmotiv. Il a ensuite préféré ne pas parler politique intérieure, mais a volontiers taillé un joli short à Vladimir Poutine. Il a, enfin, répondu aux questions des spectateurs. La plus déroutante – s’appuyant sur le casting quasi exclusivement masculin d’Usual Suspect et sur une possible vision homo-érotique de l’œuvre – étant : « Que pensez-vous de la virilité ? Vous sentez-vous viril ? ». En bon politicien, il avait évidemment réponse à tout de bout en bout. Avec la dose d’humour qui fait la différence.

Magazine de cinéma - Sofilm Summercamp - François Hollande

S’il avait été comédien, François Hollande aurait assez aimé être Pierre Fresnay ou Jean-Louis Trintignant. DR.

 

Schlock en stock

À l’issue de cette sympathique entrée en matière, je suis allée vider quelques gobelets de bière, gracieusement offerts aux festivaliers, à Stereolux, le centre névralgique de la manifestation. Là où se déroulent les événements ludiques, tels que les séances gratuites de films en plein air ou le ciné-karaoké géant, mais aussi la master class de l’excellent John Landis, invité d’honneur de cette édition. Master class sur laquelle j’ai fait l’impasse, ayant déjà assisté à celle qu’il a donnée à Strasbourg en septembre dernier, lors du FEFFS. En revanche, il n’était pas question de rater la projection, en copie fraîchement restaurée, du premier long-métrage du grand John : Schlock.  

Attelle au genou, béquille en main, Landis s’est emparé de la salle 1 du Katorza pour une bien nommée Absurde séance. De digression en digression, d’anecdotes en souvenirs, il a tout fait pour retarder au maximum le visionnage de ce péché de jeunesse, dont il ne cesse, partout, de s’excuser… Soit près d’une heure trente d’introduction pour un film qui dure moins que cela ! Nous sommes quelques-uns à avoir dû rentrer à pied faute de dernier tramway, merci, l’estropié 😉

Magazine de cinéma - Sofilm Summercamp - John Landis

John Landis avait oublié d’éteindre son téléphone. Mais une fois raccroché, plus d’interruption possible ! DR.

Cet esprit malicieux, on le retrouve évidemment dans Schlock, où un singe préhistorique (le néoréalisateur s’est lui-même glissé dans la peau, très synthétique, de la bête) terrorise une petite ville de Californie. Pour vous en faire une idée, rien de plus simple : l’éditeur Carlotta le propose en DVD et Blu-ray, dès le 3 juin 2019, agrémenté de suppléments judicieusement recyclés et finement reliés.

Dans l’introduction, en moins de 30 secondes (comme quoi… !) Landis s’excuse, encore, de ce que l’on va voir, après s’être présenté comme le président de : « BiiiiiP ». Sur ses lèvres on croit lire : « Troma ». Un autre court bonus nous le montre s’amusant de la bande-annonce de Banana Monster, récupération opportuniste de Schlock par la firme Troma (pilotée par l’inénarrable Lloyd Kaufman, je suis fan), sans qu’elle soit nommée. Détail à la limite du private joke, mais définitivement divertissant pour les initiés. Ou bien j’extrapole ? C’est en tout cas l’occasion de mettre en avant le super boulot cinéphile du délirant site Trailers From Hell – en visionnant ces bandes-annonces commentées, vous comprendrez au passage pourquoi John prétend être Klaus Kinski. Running gag à la clef.

Plus sagement, un entretien réalisé par une équipe allemande nous montre John Landis tel qu’en lui-même : roi de la joyeuse digression, ici maté par quelques coupes au montage. Dans le commentaire audio du film, commandé par l’éditeur américain Anchor Bay il y a quelques années, c’est Rick Baker, « créateur de monstres », qui se charge de garder l’intarissable cinéaste sur les rails. Contrecoup : le génie des effets spéciaux s’égare dans quelques embardées hilarantes, qui laissent brièvement Landis sans voix. Même s’il finit par avoir le dernier mot. Toujours.

 

La preuve en images, avec la bande-annonce du festival, collage de ses films :