À poil, habillés, dans un lit, autour d’une table, le jour J ou pas : petite sélection de scènes d’anniversaire mémorables à nos yeux, pour fêter les 4 ans de BANDE A PART.
La Vie d’Adèle
Par Helen Faradji
L’anniversaire comme lieu du choc des cultures ? Oui, quand c’est Abdellatif Kechiche qui l’imagine dans La Vie d’Adèle. Adèle, jeune femme qui découvre son homosexualité et vient de passer une nuit torride entre les bras de sa nouvelle amoureuse. Mais aussi Adèle, jeune femme aimée à qui sa famille a, juste ensuite, organisé une célébration surprise dans le jardin, champagne en main et lampions suspendus. Sur le fascinant visage d’Adèle Exarchopoulos se lisent en quelques secondes l’émotion, la surprise, la gêne, le trouble, l’envie, jusqu’à ce qu’emportée par le moment, elle danse sur du Lykke Li. Elle danse pour tout oublier, pour se libérer. Et ensemble, dans cette scène aussi simple que symbolique, l’actrice et le cinéaste réinventent l’anniversaire comme le moment ultime de tous les abandons.
Certains l’aiment chaud
Par Helen Faradji
Cette image, on l’a vue mille fois. La girl radieuse surgissant comme un ressort d’un énorme gâteau d’anniversaire comme cadeau surprise. Mais déjà en 1959, dans l’irrésistible Some Like it Hot, le génial Billy Wilder la dynamitait en échangeant la playmate contre un gangster armé jusqu’aux dents et le fêté contre un baron de la pègre qui aura trop attiré l’attention sur lui et fâché le boss. Autour d’eux, une assemblée de gangsters chante à pleins poumons For He’s a Jolly Good Fellow pendant que, sous la table, Tony Curtis et Jack Lemmon se cachent. Le mix improbable et parfaitement réussi entre la comédie burlesque et le film noir sanglant, c’est Wilder qui l’aura inventé dans cette scène d’anthologie. Bien avant les Coen ou Tarantino. Aucun autre anniversaire n’aura été, au cinéma, aussi explosif.
Ève
Par Isabelle Danel
« Accrochez vos ceintures, la soirée va être mouvementée ! » Si Ève de Mankiewicz est un bijou, l’anniversaire de Bill, amant de la comédienne Margo Channing, est son diamant noir. Depuis la chambre où Margo s’apprête, jusqu’au départ des invités, vingt-quatre minutes de dialogues pétaradants, d’art du rythme et de l’ellipse, d’élégance de la mise en scène embrassant l’espace (salon et escalier) et scrutant les personnages. Gens de théâtre et leurs conjoints, journaliste et aspirante actrice, amis et ennemis. Et Ève, si dévouée et si arriviste, et encore à ce stade si crédible dans son rôle d’agneau que Margo (Bette Davis, sublimissime), qui vient de découvrir son vrai visage, passe aux yeux de tous pour une louve…
Charlie et la chocolaterie
Par Olivier Bombarda
Que rêver de mieux pour son anniversaire que de se retrouver dans le même lit avec ses deux mémés, ses deux pépés, son papa et sa maman ? C’est la grande chance de Charlie qui, au beau milieu de sa bicoque insalubre et biscornue, se voit offrir une misérable tablette de chocolat Wonka, dans laquelle il espère trouver un fameux ticket d’or ! Mais, en vain… Charlie au cœur pur partage dès lors son butin et offre au spectateur une jolie scène d’humour noir comme les apprécie tant Tim Burton (et l’auteur Roald Dahl) : les ventres creux gargouillent, tandis que des sourires irradient soudain les visages contrits et calamiteux. Un sacré bon anniversaire !
Toni Erdmann
Par Jo Fishley
Foutue robe ! Le zip résiste, coince ! Inès bataille. Robe de mes deux. Inès renonce. Elle l’enlève. Inès est nue. Elle a ôté l’habit de sa condition sociale. Sa seconde peau. Elle ne joue plus le jeu, elle le sacrifie. Il n’y a plus rien entre elle et les représentations du monde. Elle ne costume plus les apparences. Elle s’est dévêtue de ses oripeaux de business woman. Il n’y a plus de mise en scène de la vie quotidienne. Inès ne se rhabillera pas. Elle reste nue. Inès fête son anniversaire. La porte de son appartement s’ouvre sur sa nudité burlesque et désespérée. Quelle fête étrange et déroutante ! Le brunch à poil suscite le rejet, l’étonnement, la curiosité des invités. Rire, fuir, rester ? On croirait un happening arty, une performance limite du corps. Voici le climax de Toni Erdmann. La crise à son paroxysme de la relation d’Inès et de son père qui a revêtu les postiches et les faux-semblants du jeu social, dans sa version farcesque et cruelle, pour mieux le démasquer. Inès est nue, son père arrive, déguisé comme il l’est tout au long du film. Elle est à poil, il est au poil dans son costume folklorique bulgare, le kukeri. Pilosité intégrale du père, nudité intégrale de la fille : le caché et le révélé de l’altérité face à face. Voici provoqué le plus grand éclat de rire noir jubilatoire de la comédie humaine : quel anniversaire !
Harry Potter et l’école des sorciers
Par Pierre Charpilloz
Inutiles, monstres, armes et violence physiques. Voici en quelques lignes de dialogue comment construire un personnage détestable dans un film pour enfants. Quel moment plus exaltant, quelle fête plus joyeuse quand on a dix ans que Noël et les anniversaires, les moments où l’on offre des cadeaux ? Ce n’est pas seulement par sa colère, qui vient gâcher la fête, que l’infâme Dudley Dursley est haïssable. Combien d’enfants proto-cinéphiles n’ont pas fait arrêt sur image lors de ce plan panoramique découvrant la masse des 36 présents offerts à celui qui n’en mériterait pas un seul ? Et tandis que le spectateur infantile fantasme devant ce panel d’emballages cadeaux, comme autant de surprises à découvrir, de pastilles de bonheur en perspective, voilà que cette ordure, cette insatiable crapule de Dudley Dursley exige une offrande supplémentaire. Et alors que la catharsis nécessiterait au moins un « non » ferme de la part de ses géniteurs, ces derniers courbent l’échine comme devant un dieu avide et rapace. Alors forcément, quelques plans plus tard, quand le jeune Dudley se retrouve enfermé dans une cage à serpent, ou quand il est condamné à se voir pousser une queue de cochon, on jubile. Oubliez Voldemort, il est là, le vrai méchant de Harry Potter !
Alice au pays des merveilles
Par Fadette Drouard
« Un joyeux non-anniversaire ». C’est vrai, ça, pourquoi devrait-on se cantonner à une fête par an? Dans l’univers délicieusement absurde d’Alice au pays des merveilles, où les lapins sont en retard, on fête tous les jours le fait de ne pas vieillir.
La séquence est culte, et fait rêver les enfants depuis des décennies. À raison. On boit du thé, les chapeaux se cachent et s’échangent et Alice elle-même est conquise. C’est que le chapelier fou et son complice sont trop enthousiastes pour ne pas nous plaire. De la musique à leurs yeux en roue libre, Disney a tout fait pour qu’on ne puisse pas leur résister. Et pourquoi vouloir leur résister, d’ailleurs ? Le non-anniversaire reste sans aucun doute une des meilleures trouvailles de Disney et une expression qui déclenche immanquablement une chanson « inter-neuronale » chez tous ceux à qui vous la soumettrez (et au cas où vous voulez troller une tête anglo-saxonne, c’est « a very merry unbirthday », au fait !).
A bout de course
Par Anne-Claire Cieutat
Ils sont en fuite. Tous quatre, Annie et Arthur Pope, les parents, et leurs deux fils, Harry, 10 ans, et Danny, 17 ans. Annie et Arthur sont activistes et poursuivis par le FBI à la suite d’un attentat contre une usine de napalm qui a mal tourné. Lorsque le danger approche, la famille plie bagage et change de lieu de résidence, de noms, de couleurs de cheveux. Chacun doit garder le secret, faire semblant, se taire ou inventer une histoire. La fête d’anniversaire d’Annie donne lieu à une séquence des plus émouvantes dans le film : c’est un moment de liesse où l’amour de cette famille unie se fait sentir, où les personnages circulent avec fluidité d’une pièce à l’autre – le salon et la cuisine communiquant dans le même plan. La présence inopinée de Lorna, la nouvelle petite amie de Danny, invitée à l’insu des parents, souligne la fragilité de cet équilibre. Face à l’étrangère, chacun joue un jeu, mais avec sincérité, les enfants offrent des cadeaux home made, on souffle les bougies et l’on danse. Une ode à l’instant présent.
