Une extraordinaire présence (2/2)

Rencontre avec Julie Bertuccelli, réalisatrice

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Au regard de vos films précédents, il semble cohérent que vous rencontriez Babouillec aujourd’hui. Quelque chose résonne : votre rapport à l’indicible, à l’invisible,
à l’altérité, à la différence…

Oui, à la résilience aussi, même si je n’aime pas beaucoup ce mot-là. Il y a l’idée dans mes films que les difficultés rendent plus fort. C’est vrai qu’Hélène va bien dans mon parcours. Elle est une richesse pour l’humanité et c’est une vraie chance de l’avoir rencontrée. Sa manière d’être au monde nous apporte énormément sur la puissance de l’être humain, elle nous donne des leçons incroyables. Elle nous dit d’être plus libres, d’écouter notre instinct créatif. Bien sûr, heureusement que nous avons des filtres, mais sa force est inspirante.

Dans quel état étiez-vous, seule à la caméra et au son, en filmant Hélène ?

Je me sentais en état d’extralucidité. Il y avait un rapport intense entre nous et la caméra. Et j’avais plaisir à avoir des fulgurances de tournage. Quand je la filmais, instinctivement je montais vers son visage et à ce moment précis, elle se tournait vers moi et me montrait sa lettre. Ça, c’est le bonheur de cadrer soi-même et de faire ce genre de film, car c’est de l’instant pur.

Comme un tango avec elle…

Oui, je me sentais très en connexion, en osmose avec ce qui se passait. J’étais tellement admirative et passionnée, j’étais complètement portée par qui elle est et comment elle écrit que je me sentais bien, en bon état pour la filmer. Mais c’était bien aussi qu’il y ait des pauses pendant ces deux ans. Je ne voulais pas l’épuiser non plus et pour elle, comme pour n’importe qui, être filmé constamment, c’est trop.

Vous meniez d’autres projets de front ?

J’ai écrit un scénario de long-métrage de fiction. Et j’étais aussi très active par ailleurs, j’étais présidente de la SCAM, j’ai créé un prix du documentaire à Cannes, L’œil d’or, j’ai défendu la création d’une cinémathèque du documentaire à Beaubourg et le projet va aboutir, j’en suis ravie. Et puis j’ai trois enfants !

Le fait de filmer l’artiste qu’est Hélène devait être inspirant pour vous…

Oui, bien sûr. Hélène nous parle beaucoup de ce que cela signifie d’être artiste. Elle nous parle de ce mystère de la création. D’où lui vient cette écriture, ce rapport au monde ? Elle me questionne beaucoup sur l’humanité. C’est en ce sens que ce n’est pas un film sur l’autisme, même si elle ouvre, bien sûr, des portes sur l’autisme. Je pense que dans le milieu, elle va beaucoup questionner. Les gens comme la mère d’Hélène qui font ce travail sont rares. Derrière chaque autiste, il y a une intelligence. Il ne faut pas s’arrêter à l’enveloppe corporelle et au fait que les autistes n’ont pas l’air de tenir leur corps, non, ça ne veut rien dire sur le cerveau. L’humanité est beaucoup plus forte que ça et ça, ça ébranle.