The Tree of Life

Acte de contrition

Ce cinquième film de Terrence Malick fut présenté, le 16 mai 2011, au Festival de Cannes. La fin de la projection entraîna autant de huées que d’applaudissements. Le jury, présidé par Robert De Niro, lui octroya la Palme d’or, faute de pouvoir lui opposer l’autre grand film d’auteur de la sélection, Melancholia, suite aux déclarations intempestives de son auteur, Lars von Trier. Une récompense qui ne pouvait donc faire l’unanimité au sein de la presse spécialisée. À sa sortie en France, le public, interpellé par ce désaccord critique, fit, au fil des semaines, un accueil honorable au film (828.791 entrées). Quelques mois plus tard, un nombre assez important de ceux qui ne l’avaient pas aimé sur la Croisette – dont nous étions – revinrent sur leurs premiers jugements et lui reconnurent une valeur certaine. Vieux phénomène temporel, souvent associé aux œuvres qui abordent des sujets déconcertants, d’une manière apparemment trop innovante.

The Tree of Life est de ceux-là, puisqu’il ose traiter de cosmogonie sur fond d’une Amérique qui pensait, dans les années cinquante, être devenue la nation modèle pour le reste du monde. Un sujet des plus ambitieux, développé tout au long d’un récit brillamment hétéroclite, qui juxtapose une représentation de la création de l’univers à partir d’images d’une singularité plastique inouïe, des télescopages du présent, du passé et du futur, une condamnation sévère tant du machisme texan que du patriotisme exacerbé, un rejet du dialogue au profit d’une voix intérieure – souvent sans rapport avec les images montrées – qui force le spectateur à une rare attention, un final dans un au-delà qui dépasse l’imagination, ainsi que la grande qualité de l’interprétation, Brad Pitt et Jessica Chastain en tête. Des caractéristiques impressionnantes, parfaitement maîtrisées, qui ont forcé nombre d’entre nous à admettre l’évidence : The Tree of Life est, à ce jour, le meilleur film de Terrence Malick, mais aussi l’un des plus audacieux de l’histoire du cinéma, par la hardiesse de son récit et la fulgurance esthétique de sa réalisation. Découvert aujourd’hui pour lui-même ou revu en dehors de tout contexte de compétition, ce film a la même puissance d’interrogation et d’émerveillement que le 2001 : l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick. En effet, à l’instar de ce dernier, il nous oblige à nous interroger sur nos certitudes matérialistes et à revisiter nos croyances spirituelles. Et donc à nous interroger en toute humilité sur notre condition humaine. Comment avions-nous pu le sous-estimer à notre première vision ?