A Beautiful Day

Diamant noir

Le voyage au bout de la nuit d’un tueur à gages bordeline et la rencontre inoubliable entre Lynne Ramsay et Joaquin Phoenix. Un choc.

Lynne Ramsay ne fait rien pour se rendre aimable. Révélée dès son premier film, Ratcatcher, la cinéaste britannique avait brillamment poursuivi avec le poétique Voyage de Morvern Callar. Son entrée aux États-Unis, avec le complexe We Need to Talk About Kevin, consacré à un adolescent qui se transforme en assassin de masse, en avait désarçonné plus d’un. Sa disparition, à ce jour inexpliquée, quelques jours avant le début du tournage de Jane Got a Gun, avait également pu refroidir le milieu du spectacle. Et la voilà qui revient avec You Were Never Really Here (ironiquement (?) traduit en A Beautiful Day), polar sombre et brutal, dont la violence stylisée promet de susciter quelques polémiques. D’autant que son scénario, librement inspiré d’un roman de Jonathan Ames, n’est pas très consensuel. Soit un vétéran perturbé devenu tueur à gages, chargé de retrouver la fille adolescente d’un sénateur, kidnappée par des proxénètes. Mais c’est là qu’il faut rappeler que Lynne Ramsay est une cinéaste comme on en trouve peu aujourd’hui. C’est en effet sa superbe mise en scène, où l’étirement d’une séquence peut succéder à une brutale ellipse, où la lourdeur des corps est compensée par la fluidité des mouvements de caméra, qui donne le sentiment qu’un argument digne d’un fait divers sordide ou d’une série Z peut être encore transcendé par la force du cinéma. Mais cette virtuosité ne serait qu’un écrin un peu vide s’il ne s’était pas produit la magnifique rencontre entre Joaquin Phoenix et Lynne Ramsay. Le comédien, hagard et sublime, clone étrange de Mel Gibson, donne une force et une incarnation incroyables à un personnage à la lenteur hypnotique, véritable objet de fascination pour sa réalisatrice, dont on a envie d’avoir des nouvelles cinématographiques au plus vite.