Jalouse

Femme au bord de la crise de nerfs

David et Stéphane Foenkinos signent un portrait de femme en proie à ses ambivalences dans Jalouse. Une comédie parfaitement composée avec, en son centre, Karin Viard, épanouie, dans un rôle en or massif.

Les frères Foenkinos savent filmer les états de bascule. Ces moments de passage délicat dans une vie : le deuil et le désir qui renaît dans leur premier film sensible, La Délicatesse, et dans Jalouse, leur deuxième long-métrage, une phase où quelque chose dans le regard de leur protagoniste se met à vriller, où les sentiments deviennent troubles et modifient le rapport aux autres. Car la Nathalie de ce film est une femme dont le monde va tituber lorsque une jalousie maladive l’envahit de pied en cap. Au centre de son univers, Mathilde, sa fille, ravissante danseuse classique de 18 ans, devient à ses yeux sa grande rivale le jour où elle prend son autonomie. Lui emboîtent le pas une jeune collègue enseignante, brillante et dynamique, qui vient d’arriver dans la prestigieuse classe préparatoire parisienne où elle enseigne, la nouvelle compagne de son ex-mari, ses voisins, en somme, une large partie de son entourage qu’elle se met à percevoir d’un mauvais œil.

Remarquablement bien écrite, cette comédie grinçante et expiatoire s’amuse de nos parts mesquines et camouflées à chacun en les exposant au grand jour au travers de ce personnage flamboyant et finement senti. Les dialogues, savoureux, font preuve d’un grand sens psychologique. Dans la bouche de Karin Viard, au sommet de son art, ils résonnent d’autant mieux. Face à l’actrice, dont la part solaire et l’acidité se confrontent l’une à l’autre, le reste du casting est impeccable : le trop rare Bruno Todeschini fait un amant séduisant, Anne Dorval, une amie au dos rond attachante, Thibault de Montalembert, un ex-époux un brin dépassé, Dara Tombroff, dans le rôle de Mathilde, est la découverte du film, et Marie-Julie Baup est géniale dans cette incarnation du bon sens bienveillant. Face à eux et à cette belle partition en forme de miroir tendu, on s’amuse, se défoule et finit touchés par la grande part d’humanité qui unit ces personnages aux failles si proches des nôtres.