Still the water

Naomi Kawase est fascinée par les rites, les éléments, la maternité, la filiation. Dans son nouvel opus, elle touche aux mythes, aux dieux, aux forces de la nature et à la puissance des cycles de la vie. Still the Water bouleverse car la cinéaste nippone déploie sa mise en scène avec une ampleur inédite. Sa rigueur habituelle s’est relâchée, emportée par la force des situations filmées et par une nouvelle venue : l’improvisation. La moitié du film est, en effet, le résultat d’une ouverture aux vents du dehors et à la captation de l’instant avec des acteurs néophytes (les deux jeunes héros), comme confirmés (dont Fujio Tokita vu chez Shohei Imamura et Akira Kurosawa), qui habitent une suite de moments en apesanteur. Ce récit estival d’osmose, contemplatif et sensoriel, entre habitants de l’île japonaise d’Amami, saisit par le jaillissement de l’eau et du vent, par la luxuriance de la nature, par la poésie du premier amour naissant. Les êtres flottent, du corps initial ramené par les vagues à l’accompagnement au dernier souffle de la doyenne, lors d’une scène scotchante d’intensité. Le torrent émotionnel inonde l’écran. La beauté plastique transperce le regard. Le nerf du cinéma de Naomi Kawase apparaît enfin, dix-sept ans après sa révélation à Cannes avec Suzaku. Cannes encore où Still the Water, sa plus belle œuvre à ce jour, n’a rien empoché cette année, mais a illuminé la compétition.