Certains l'aiment chaud

Certains l'aiment... passionnément

LE BONHEUR AU CINÉMA, À QUOI ÇA TIENT ?

À un récit tellement rondement mené qu’il finit par nous faire avaler, sans que l’on y trouve rien à redire, que des hommes traqués par la pègre peuvent parfaitement se déguiser en femmes et se cacher au sein d’un orchestre tout froufroutant ? À une démarche, rythmée par un improbable et vertigineux mouvement de balancier sur un quai de gare, que les hanches de Marilyn, jamais aussi bien regardées que par Wilder, font osciller de la comédie la plus pure à l’érotisme le plus affolant, en un seul plan ? À l’œil qui frise de Tony Curtis et au sourire coquin de Jack Lemmon ?  À un ton épousant apparemment les normes et conventions de 1959, mais s’acidulant sans cesse pour mieux distiller un doux parfum de transgression morale (qui le fit d’ailleurs être condamné par la Catholic Legion of Decency, ce qui, avouons-le, ne peut que rendre un film extrêmement sympathique) ? À un film qui, l’air de rien, ironise gentiment sur le film de gangsters et la comédie romantique, les réinventant du même geste avec une tonicité irrésistible ? À une réplique finale, tellement inspirée, tellement pleine de sous-entendus, tellement bien trouvée qu’elle semble directement tombée du ciel pour mieux achever de nous convaincre ? À un noir et blanc, joyeux et délirant, imposé malgré la volonté du cinéma américain de l’époque de voir la vie dans toutes ses couleurs ? À une mise en scène précise, élégante, artisanale et amusante, par laquelle Billy Wilder prouvait bien qu’il était un des cinéastes les plus habiles du grand Hollywood classique, en jouant avec la même assurance sur tous les tableaux de l’humour, du plus physique au plus cérébral ?Sûrement un peu de tout ça. Mais à bien y réfléchir, on pourrait lister pendant des heures ce qui précisément rend heureux devant Certains l’aiment chaud (Some Like It Hot) que ça ne lui rendrait pas tout à fait justice. Car c’est bien là la magie des films qui rendent heureux. Quelque chose d’inexplicable échappe. Quelque chose qui gonfle le cœur et invite les frissons sur les avant-bras. Quelque chose qui ne tient à rien de précis, mais qui fait, par le biais d’un film plus parlant que les autres, aimer encore un peu plus, tout simplement, le cinéma.