Banshee

En terre inspirée

Libéré après quinze ans d’incarcération et aussitôt traqué par les sbires de son ex-employeur, un voleur retrouve son ancienne complice et maîtresse à Banshee en Pennsylvanie, où elle vit sous un faux nom. Quand le nouveau shérif est tué, l’homme décide d’endosser son identité. Les problèmes de Banshee, sous la coupe d’une mafia locale, sont désormais les siens. Tel est l’étonnant argument de la nouvelle série maison que la chaîne Cinemax diffuse depuis le début de l’année aux Etats-Unis.

Tout comme les séries HBO, maison-mère de Cinemax, Banshee bénéficie d’une production de qualité, aux standards du cinéma américain. Mêmes images travaillées, même souci des seconds rôles : il s’agit d’une œuvre soignée, qui ne se prive pas de multiplier les hommages cinématographiques, au point de tourner parfois au catalogue de références. Quand, dans l’épisode pilote, notre homme élimine deux malfrats dans un bar, il trahit des compétences dans l’art de tuer qui révèlent qu’il n’est pas celui qu’il prétend être… comme le personnage de Viggo Mortensen dans History of Violence de David Cronenberg.

De même, la course-poursuite de l’épisode 6, sèche et nerveuse, a vraisemblablement été tournée, non sans talent, par un admirateur de Michael Mann. Quant aux décors, le casino louche des Indiens, la sinistre villa du mafieux local et surtout son affreuse usine de découpe de viande, ils évoquent plus généralement Twin Peaks, une autre série, œuvre d’un grand cinéaste, David Lynch.

Si la série étonne, c’est d’abord parce qu’elle se permet deux écarts interdits aux dramas HBO plus respectables : la violence et le sexe. Les midnight movies racoleurs se distinguaient de la même manière des films plus grand public. Banshee est une série trash, comme en témoigne la multiplication des scènes de combat très agressives, souvent efficaces, parfois à la limite de la comédie, mais aussi le contingent de corps nus et besogneux qui peuplent chaque épisode.

Par ailleurs, si le personnage du criminel devenu représentant de la loi n’a rien de nouveau au cinéma – c’est une figure classique, dont Pat Garrett est l’archétype dans le western -, Banshee va beaucoup plus loin. Notre protagoniste n’est pas vraiment passé de l’autre côté. Il continue à préparer des coups et à éliminer les importuns.

Et quand on lui demande de faire son travail de shérif – mettre fin à une prise d’otages ou à un trafic de drogue, punir un violeur misogyne -, il continue à utiliser des méthodes de voyou. Le tour de force de la série ? A aucun moment le spectateur ne va penser qu’il s’agit d’un fasciste sécuritaire, comme L’Inspecteur Harry ou Le Justicier de New York. Il reste un criminel. On s’attend à ce qu’il agisse comme tel. Mieux : on l’espère. La série court-circuite ainsi toute possibilité de jugement moral. C’est ce qui la rend à la fois si audacieuse et si contestable.

Par Sylvain Mazars.