NIFFF 2016 : classe, Carpenter !

À Neuchâtel du 1er au 9 juillet 2016

Et oui, ça faisait des mois que c’était annoncé : John Carpenter, présent en Suisse, à la 16ème édition du Neuchâtel International Fantastic Film Festival (NIFFF donc), pour un concert exceptionnel et une rétrospective consacrée à l’ensemble de son œuvre cinématographique. Concert, car le réalisateur des anthologiques Halloween, The Thing, New York 1997, etc. est aussi compositeur des bandes originales de ses longs métrages, en mode minimaliste, hargneux et/ou flippant. Bref le rendez-vous était immanquable. Vraiment ?

John Carpenter / Copyright : Nicolas Brodard
John Carpenter / © Nicolas Brodard

Et pourtant si, raté ! On ne s’y prend pas l’avant-veille pour réserver les tickets d’un tel événement, qui a forcément toutes les chances d’afficher complet dans les plus brefs délais… Hum.  Et cet acte manqué a failli se transformer en un total angle mort Carpenter, car connaissant bien sa filmographie, j’ai eu tendance à privilégier les découvertes dans la compétition internationale et la section asiatique – le NIFFF est un défricheur historique de ces cinématographies-là. Heureusement, in extremis, je me suis reprise : ayant eu récemment l’occasion de plancher sur les adaptations des romans de Stephen King, et n’ayant plus grand souvenir de celle de Carpenter, Christine (1983), j’en ai profité pour aller me rafraichir la mémoire. Avec un plaisir certain : le film, au contraire de son hargneuse héroïne mécanique, tient décidément bien la route.

À quel prix

En trois petits jours de présence, j’ai malheureusement fait l’impasse, un peu comme chaque fois, sur tout un pan des propositions du NIFFF. Cette année c’est d’être passée à côté du tout nouveau panorama cinéma de genre suisse que je regrette le plus. Mais d’un autre côté, et je n’en suis pas peu fière, j’ai réussi à voir les films sortis vainqueurs de toutes les compétitions longs métrages, paf !

Bon. Le Méliès d’argent (compétition européenne) à Parents, film danois de Christian Tafdrup, je n’en raffole pas. Cette histoire de papa-maman unis qui retournent en arrière quand leur rejeton les quitte est certes originale, mais son traitement l’épuise assez vite ; ou du moins, il m’a épuisé moi. Pas totalement convaincue par Detour du Britannique Christopher Smith non plus, prix du jury jeunes. Le titre a beau annoncer la couleur, j’y trouve vraiment trop de circonvolutions, d’autant plus inutiles qu’elles échouent à masquer des ressorts scénaristiques évidents d’entrée de jeu –quoique je n’en dévoilerai pas plus pour ne pas gâcher l’éventuel plaisir de ceux qui avalent moins de films et romans policiers que moi ! Quant au prix du meilleur film asiatique, Honor thy Father du Philippin Erik Matti, si cette histoire, noire de chez noire, de banqueroute plus ou moins frauduleuse assortie de kidnapping et de vengeance avait duré une heure, ça m’aurait totalement emballé. Le film dure deux heures, je ne le suis qu’à moitié.

Ce que j’ai vu (entre deux ou trois assoupissements dus à la fatigue) de The Lure de la Polonaise Agnieszka Smoczynska, m’a davantage séduit. Le jury international a accordé une mention spéciale à cette version revisitée – cannibale, sexuée et chantante – de La petite sirène, au final encore plus noir que celui du conte original (celui d’Andersen donc, pas l’édulcoration Disney).

Et puis je trouve beaucoup de charme à Under the Shadow de l’iranien Babak Anvari, Narcisse d’or de cette édition. Une histoire d’appartement hanté par des djinns alors que pleuvent les bombes de la guerre Iran/Irak et que se perd en frustrations l’héroïne brimée par la société. C’est traité à l’ancienne, avec des effets d’une simplicité percutante, et la gamine qui n’arrête pas de perdre et réclamer son imbécile de poupée (pas le point fort du film) est bluffante.

Mais mon coup de cœur de cette édition rejoint celui du public, du jury Imagine The Future et de la critique internationale : Swiss Army Man du duo américain Daniel Scheinert et Daniel Kwan. Un homme (Paul Dano) échoué seul depuis trop longtemps sur une île déserte est sur le point de se suicider quand il aperçoit un corps rejeté sur la plage. Las, le nouvel arrivant (Daniel Radcliffe) est archi-mort. Hyper-péteur aussi : grâce à ses gaz, il se transforme en hors-bord ! Et au fur et à mesure du récit, ce cadavre va se révéler plein de ressources insoupçonnées, drôles, répugnantes, glauques, touchantes… C’est tellement bizarre et déviant que je doute de le voir arriver un jour en salles, même si j’espère me tromper !

Voilà, je ne vous ai évidemment pas parlé de tout ce que j’ai vu, encore moins de tout ce qui était programmé (101 longs métrages, 29 courts !), si vous voulez approfondir la question je vous renvoie au site du NIFFF et à sa chaîne Youtube (je vous recommande notamment les introductions du maître de cérémonie le plus délirant qui soit, Bastian Meiresonne, à découvrir dans certaines vidéos du jour !)…

Et demain, en ce qui me concerne, direction Montréal et la 20ème édition du festival Fantasia !

PS : Peut-être aurais-je l’occasion de me rattraper ? John Carpenter sera en concert au Grand Rex, à Paris, le 9 novembre 2016…

PS2 : Ma précédente virée au NIFFF, l’an passé, à (re)lire dans Bande-à-Part #27.