Quelle connerie la guerre…

Les temps forts du festival War on Screen, Châlons en Champagne, 1-6 octobre 2019

Bilan de la septième édition de War on Screen à Châlons en Champagne, ce festival qui observe la guerre et le conflit sous toutes ses formes. Passionnant.

Châlons-en-Champagne, terre de contraste ! Compétition puissante de courts et longs métrages, rétrospectives thématiques bienvenues sur Beyrouth, (les) Irlandes, ou la frontière entre Mexique et États-Unis (dont La Horde sauvage de Sam Peckinpah, Django de Sergio Corbucci, Traffic de Steven Soderbergh). Et Bertrand Tavernier, Mike Leigh et Atiq Rahimi en invités d’honneur.

Bertrand Tavernier présenta quatre de ses films (La Vie et rien d’autre, Capitaine Conan, Laissez-Passer, La Passion Béatrice) mais accompagna aussi, de son intarissable culture et de sa passion intacte, certaines œuvres patrimoniales, dont Mortal Storm de Frank Borzage ou Lust Caution d’Ang Lee. Assister à sa masterclass, c’est entendre une foule d’anecdotes, de réflexions politiques ou poétiques et aussi repartir avec une longue liste de films à voir et de livres à lire…

Bertrand Tavenier au Festival War on Screen 2019. Droits photographiques : Quentin Caffier / SELENITES FILMS.

Voici la liste de Bertrand Tavernier :

LIVRES

Didier Le Fur, Et ils mirent Dieu à la retraite (Babelio)

Jean Giono, Le Désastre de Pavie (Folio)

Christine Leteux, Continental Films : cinéma français sous contrôle allemand (La Tour Verte)

Russell Banks, Le Pourfendeur de nuages (Babelio)

Hervé Dumont, Frank Borzage – Un romantique à Hollywood (Actes Sud)

FILMS

Jean Renoir, Le Crime de Monsieur Lange

John Ford, Les Raisins de la colère

Frank Borzage, L’Heure Suprême

William Wellman, Les Forçats de la gloire

Lewis Milestone, À l’est rien de nouveau

Mais le plus étonnant était sans doute d’apprendre que son prochain film, Snowbirds, écrit avec Russell Banks d’après une nouvelle de ce dernier (parue dans le recueil Un membre permanent de la famille chez Actes Sud) avec Susan Sarandon et Jennifer Jason Leigh ne verra sans doute jamais le jour. Amazon, longtemps productrice, s’est désistée par suite d’un changement de direction, la France ne peut qu’être minoritaire, puisque le film se passe à Miami, et le temps passant, aucun gros producteur américain ne se déclarant intéressé, l’espoir de le voir un jour s’amenuise.

Mike Leigh au Festival War on Screen 2019. Droits photographiques : Quentin Caffier / SELENITES FILMS.

Autre étonnement devant la projection de Peterloo de Mike Leigh, film présenté en 2018 à Venise et inédit en France, qui voyait là sa deuxième séance publique hexagonale après celle du Festival de Dinard. « Trois raisons à cela, évoquait un Mike Leigh quelque peu amer. 1/ Le Festival de Cannes n’en a pas voulu. 2/ Le Festival de La Rochelle n’en a pas voulu. 3/ Aucun distributeur français n’en a voulu. » A voir le film, qui relate, quatre ans après la fin des guerres Napoléonniennes, le massacre survenu à Manchester le 16 août 1819, lorsqu’une manifestation non violente pour le droit de vote a été réprimée dans le sang par la cavalerie, on comprend mal l’absence de distribution sur notre territoire. À constater la justesse historique et la portée politique, le souffle épique de la fiction, la beauté des images (et la magnifique lumière du chef opérateur Dick Pope), la finesse des nombreux personnages et de leurs interprètes (et notamment Rory Kinear en meneur d’hommes humaniste et un rien pompeux ; Maxine Peake en mère de famille consciente du monde dans lequel elle vit), on s’interroge effectivement sur la raison — en dehors peut-être des 155 minutes de projection, mais qu’on sent à peine passer — qui prive les salles d’un film si important signé d’un réalisateur qu’on ne présente plus (Si ? Alors : High Hopes, Secrets et mensonges, Vera Drake, Be Happy, Another Year…).

La ville de Cabu (de petits plots de cuivres avec sa signature parsèment les trottoirs jusqu’à la Duduchothèque qui expose ses dessins de jeunesse) est aussi celle de Pierre Dac. Rions un peu, en pensant à leur humour essentiel et éternel, c’est toujours ça de gagné… Mais comme dans toute la région grand-est que traversa la ligne de front, le poids historique de la guerre 14-18 se fait toujours sentir.

À la Comète, scène nationale qui accueille toute l’année concerts, spectacles et films, le festival War on Screen – (WoS pour les intimes) – attire depuis ses débuts des spectateurs enthousiastes, dont certains voient trois ou quatre films par jour, et dont le nombre ne fait que croître. Plus de 19 400 entrées pour cette édition qui s’est achevée dimanche 6 octobre lors d’une remise des prix sans discours institutionnels (ouf !) et très bonne enfant.

Sur une compétition internationale de dix longs métrages (Danemark, Afrique du Sud, Colombie, Turquie, entre autres…) trois films sortant du lot se sont partagé les récompenses. Pour Sama de Waad Al-Khateab et Edward Watts (Grand Prix du Jury, Prix du Public), Camille de Boris Lojkine (Prix de la presse) et Papicha de Mounia Meddour (Prix à la mise en scène remis par le Jury, Prix des Étudiants). Ces films sortant en salle de façon imminente nous y reviendrons.

« Quelle connerie la guerre ! », écrivait Jacques Prévert, mais quelle excellente idée que ce festival, unique en son genre…