Marcello Fonte illumine Dogman

Un homme humble, un vrai

On se souviendra de son regard ébahi à l’annonce de son nom lors de cérémonie de clôture du dernier Festival de Cannes, où il a reçu le Prix d’interprétation masculine pour Dogman de Matteo Garrone. Marcello Fonte, ovationné par la salle et accueilli sur scène bras grands ouverts par son compatriote Roberto Benigni, a mis plusieurs secondes à accepter le trophée. Cet acteur épatant est un homme d’une modestie non feinte, au parcours atypique.

Il lui aura fallu attendre l’âge de 39 ans pour trouver un premier rôle d’envergure et se faire remarquer. Marcello Fonte est un garçon discret. Petit en taille, poids léger, silhouette frêle, parlant vite et avec les mains, cet acteur calabrais vous gratifie d’un immense sourire quand il s’adresse à vous. Dans ses grands yeux noirs très expressifs, se lit une gentillesse mâtinée de douceur. « La douceur, j’ai voulu en apporter à mon personnage, qui est confronté à la violence, mais qui est aussi père d’une petite fille », dit-il. Dans Dogman de Matteo Garrone, inspiré d’un fait divers qui a heurté les esprits dans l’Italie des années 1980, il incarne Marcello, un toiletteur canin, discret et aimé de ses voisins. Jusqu’au jour où son ami Simoncino, un ancien boxeur cocaïnomane, sort de prison et l’entraîne malgré lui dans une spirale criminelle.

Dans le rôle de cette parfaite victime, Matteo Garrone (Gomorra, Reality, Tale of Tales) a envisagé un nouveau visage au cinéma – « Marcello a un visage antique, c’est un Buster Keaton moderne », résume le cinéaste. L’acteur italien partage avec son ancêtre du muet une innocence véritable. Elle irradie dans ce corps-à-corps qui évoque David et Goliath, face à Edoardo Pesce, monstrueux dans le rôle du bourreau bas du front (on retrouve là la fascination de Garrone pour la disproportion). S’il est très pénible d’assister à cette humiliation qui va crescendo dans ce film dense, âpre et violent, la profonde humanité qu’instille Marcello Fonte à son personnage rend Dogman captivant.

 

Dogman de Matteo Garrone. Copyright Le Pacte.

Le jeu du hasard

La lumière du film, c’est donc lui. Avant de rencontrer l’assistant de Matteo Garrone, par hasard, alors qu’il remplaçait un comédien sur scène pour un petit rôle au théâtre, Marcello Fonte a fait des dizaines de métiers. Débrouillard, habile de ses mains et doté d’une indéfectible confiance dans la vie, ce cadet d’une fratrie de sept enfants rapporte de l’argent à sa famille dès l’âge de dix ans, en jouant du tambour dans la fanfare de son village de Calabre. « Mon grand-père m’a toujours exhorté à apprendre beaucoup et à savoir faire un maximum de choses », dit-il comme pour placer sa trajectoire singulière sous haut patronage.

Avant de se retrouver, grâce à un ami, accessoiriste et peintre de décors aux studios de Cinecittà, puis figurant et doublure lumière sur Gangs of New York de Martin Scorsese qui s’y tourne, Marcello Fonte aura donc été, tour à tour, barbier, boucher, menuisier ou électricien. Parallèlement, il s’est investi comme homme à tout faire au Cinema Palazzo, un théâtre et lieu de culture à Rome, et n’a jamais cessé de jouer du tambour dans sa fanfare. Au cinéma, on l’a croisé dans un petit rôle de serveur dans Corpo Celeste d’Alice Rohrwacher. Il incarne aussi plusieurs personnages dans son film autobiographique, coréalisé avec Paolo Tripodi en 2015, Asino vola, qui devrait enfin sortir en Italie, du fait de sa notoriété nouvelle.

Dogman, avec ses personnages en relief, sa tension croissante, son décor enclavé et inquiétant, a des reflets de fable contemporaine sur la perte de l’innocence qui menace le monde et la part animale en l’homme qui gagne du terrain. Marcello Fonte en est le parfait interprète. Un acteur qui rêve aujourd’hui de devenir père et de travailler le bois. Un homme digne et humble, au sourire franc et au regard bouleversant.