Je me souviens de Cartouche

Hommage à Jean-Paul Belmondo

Lorsque, par voie de presse, j’ai appris le décès de Jean Paul Belmondo, un souvenir précis m’est revenu. Une image surtout, même s’il serait plus juste de préciser qu’il s’agit d’une scène issue d’un film grand public de belle volée. À peine avais-je lu les titres que, sous mes yeux grands ouverts, se faufilait la silhouette bondissante et si charmeuse de Cartouche.

C’était en février 1986. À cette époque, les noms de Jean-Luc Godard, Peter Brook, Marguerite Duras m’étaient inconnus, pas celui de Jean-Paul Belmondo.

C’est le jour de mon anniversaire, un jour ordinaire pour tout enfant des classes populaires. Un gâteau trop sucré venait changer le régime habituel. Mais la saveur se trouvait ailleurs. À 20 h 30, le service public de la télévision diffusait Cartouche de Philippe de Broca. Jeune intrépide, j’adorais bien plus les jeux de terrain que la bêtise des poupées et autres fariboles. Le cinéma de cape et d’épée, comme celui des pirates, faisait toute ma joie, et souvent le désespoir de ma mère ne sachant comment faire avec une fille aux genoux souvent écorchés. J’étais bien évidement énamourée de Douglas Fairbanks, d’Errol Flynn, mais surtout de Steward Granger et aussi un peu d’Alain Delon qui, avec son sombre charme, distillait un trouble érotique. Et je découvre Cartouche. Un régal encore aujourd’hui, où, auprès de Claudia Cardinale, le facétieux et si romanesque Jean-Paul Belmondo alias Cartouche, ce frère de Robin des Bois et Fanfan la Tulipe résonne encore par son appel à l’insurrection contre la violente tyrannie des puissants.

De Belmondo que, déjà à l’époque, mes aînés appelaient Bébel, je connaissais l’inénarrable L’Animal de Claude Zidi, L’Homme de Rio et Le Magnifique de Philippe de Broca – extraordinaire Bob Sinclar -, du Bébel puissance dix, bien évidemment Le Professionnel de Georges Lautner avec la musique lancinante d’Ennio Morricone. Ma passion du cinéma vient des acteurs qui jouent toutes les variations de la vie. C’est, toujours, ce corps en mouvement qui donne à voir, sentir, ressentir et éprouver, passerelle et carrefour des émotions comme des perceptions, un espace physique et mental, qu’il soit mutique ou savoureux dans son exubérance. Jean-Paul Belmondo a su créer un type, comme en son temps Chaplin ou Jacques Tati, à savoir un signifiant populaire immédiatement reconnu et aimé. Un acteur qui faisait la scène, à la fois celle du film, mais aussi un peu celle de notre quotidien. Un ré-enchanteur de nos vies trop souvent marquées par moult déceptions et violences ordinaires. Il nous donne de la légèreté avec un panache qui fait la marque des grands humbles. C’est cette étincelle de gaieté aventureuse, rieuse, libertaire que je garde de lui.

Merci l’acteur. Merci Jean-Paul Belmondo.

Jean-Paul Belmondo - Illustration : OB