Jeanne Rosa

Les yeux grands ouverts



Réalisé par Olivier Jahan, le beau téléfilm Claire Andrieux offre un personnage écrin à une excellente actrice, encore peu connue du grand public : Jeanne Rosa.  L’occasion de faire encore plus de lumière sur elle.

Jeanne Rosa porte Claire Andrieux. Jeanne Rosa est Claire Andrieux. En incarnant l’héroïne-titre de cet unitaire télévisé récemment diffusé sur Arte, la comédienne trouve enfin un premier rôle de long-métrage à sa mesure. Elle peut exprimer la fantaisie, la légèreté, la profondeur, et les blessures enfouies. Un art subtil de la composition, pour un caractère qui n’a rien de spectaculaire. Et c’est ce qui en fait tout le sel. Cette directrice d’agence immobilière d’un village breton mène son existence tranquille, jusqu’à ce qu’une rencontre bouscule son socle existentiel. L’irruption du désir, du sentiment, va progressivement révéler la femme à son trauma lointain, par les gestes, les attitudes, les empêchements, puis par les mots, pour la première fois, quand son corps est resté cadenassé depuis si longtemps.

Opportunité rare et précieuse pour une interprète de retrouver un personnage, car ce téléfilm est né d’un film de cinéma (Les Châteaux de sable). L’auteur et réalisateur Olivier Jahan et son coscénariste Diastème ont en effet écrit ce dernier, sorti en salle cinq ans plus tôt, en plaçant la figure de Claire au second plan, face au couple campé par Emma de Caunes et Yannick Renier, avant d’inverser la donne pour le récit suivant. Au final, une sorte de diptyque d’œuvres, telles des miroirs complémentaires. Claire Andrieux, spin-off de la précédente histoire, offre donc un écrin à une actrice à qui les deux auteurs restent fidèles. Jahan plaça Jeanne Rosa au cœur de son court-métrage T’embrasser une dernière fois, en fille accompagnatrice de sa mère vers la mort, avant de la rappeler pour Les Châteaux de sable. Diastème lui offre des projets depuis vingt ans, de son court Même pas mal à ses trois longs-métrages Le Bruit des gens autour, Un Français et Juillet-août, en passant par ses mises en scène au théâtre, créations totales ou adaptations, parmi lesquelles Les Justes de Camus, et le seule-en-scène La Tour de Pise, que l’interprète défendit d’Avignon en tournée.

Le parcours de Jeanne Rosa, c’est plus de vingt ans de jeu après sa formation au cours Jean Périmony : une quinzaine de longs-métrages, une vingtaine de courts-métrages, une douzaine de fictions télévisées, et une dizaine de pièces. Une détermination et une vivacité aussi, déjà présentes dans l’affrontement-confession du jeu de la vérité par caméras interposées du court-métrage Duel de Jean-Loup Hubert. C’était pour l’opération Talent Cannes de l’Adami en 1999. Depuis, un cheminement discret, progressif, avec des rôles de flic (Juillet-août, Momo), d’aide-soignante (Sage Femme, L’Ordre des médecins), de « femme de » (Grâce à Dieu de François Ozon, J’accuse de Roman Polanski), et des partitions plus décalées, en skinhead amoureuse énergique d’Un Français comme en collègue rangée du commissariat cocasse d’Au poste ! de Quentin Dupieux. Aujourd’hui, elle rayonne en Claire Andrieux, insufflant à cette fiction et à l’écran une énergie souveraine.