Cannes 2016 : Jour 9

19 mai 2016

Querelle : Juste la fin du monde de Xavier Dolan

Le jour s’est levé sur une querelle née la veille et toujours vivace au petit matin : découvert mercredi soir, Juste la fin du monde de Xavier Dolan divise profondément notre bande. Adapté de la pièce de Jean-Luc Lagarce, le nouveau film du réalisateur québécois filme les retrouvailles houleuses, après 12 ans d’absence, d’un écrivain avec sa famille à qui il entend annoncer sa mort prochaine. À la subtilité de la langue de Largarce, Dolan substitue des dialogues délavés, heurtés et sans chair. Filmés comme des lions en cage, Nathalie Baye (affublée d’un maquillage criard à souhait), Vincent Cassel et Léa Seydoux frôlent l’hystérie permanente, face à une Marion Cotillard sobre et délicate qui, seule, tire son épingle du jeu dans cet ensemble artificiel et poseur. Mais à ce point de vue fâché, s’oppose celui de trois autres membres de notre rédaction, davantage touchés par ce film. Nous y reviendrons plus équitablement en temps voulu.


Compromissions : Baccalauréat de Cristian Mungiu

C’est l’un des cinéastes les plus passionnants de sa génération : le Roumain Cristian Mungiu (Palme d’Or à Cannes avec 4 mois, 3 semaines, 2 jours, en 2007) revient en compétition avec Baccalauréat. Alors qu’Eliza, fille de médecin et homme influent, est acceptée dans une prestigieuse université anglaise, elle est victime d’une agression à la veille de passer son bac et, diminuée, voit son précieux sésame sérieusement compromis. Son père se lance ainsi dans une manœuvre d’ampleur pour garantir à sa fille d’obtenir son diplôme à tout prix. Voici 2 heures de cinéma vertigineuses, au cœur d’un système où la corruption est reine. Les dialogues dominent ce film épatant de virtuosité narrative, servi par des comédiens tous très justes. Le cinéma roumain, après Sieranevada de Cristi Puiu, lui aussi en compétition et découvert en début de festival, est décidément très en forme.


Format court : Sandrine Kiberlain, Laetitia Casta et Chloë Sevigny, derrière la caméra

En clôture de la Semaine de la critique, les premiers courts-métrages des actrices Sandrine Kiberlain, Laetitia Casta et Chloë Sevigny apportent une touche glamour à cette vigoureuse section parallèle. Bonne figure de Sandrine Kiberlain filme, en noir et blanc léché, le désarroi masqué d’une actrice (Chiara Mastroianni), célébrée lors d’une soirée de remise de prix où elle se rend dans une robe-carcan dont elle ne parviendra pas à s’extraire. Dans Kitty, Chloë Sevigny narre la transformation progressive d’une fillette surnommée « Kitty » en chat, jolie proposition fantaisiste et fantastique. Quant à Laetitia Casta, elle saisit les tourments d’un réalisateur (Yvan Attal) en mal d’inspiration, sous la photo contrastée de Benoît Delhomme. et fait preuve d’une grande application stylistique (aux portes de l’afféterie). Elles étaient toutes trois sur la scène de la salle Miramar, enjouées, fébriles et honorées. Jolies femmes émouvantes qui n’en reviennent pas d’être là.

Cannes Court-métrage Kiberlain
Photographie : Anne-Claire Cieutat.

Néons et néant : The Deon Demon de Nicolas Winding Refn

Accueilli sous les huées exaspérées des journalistes internationaux, le nouveau film du réalisateur de Drive et Only God Forgives suit les tribulations, à Los Angeles, d’une jeune mannequin (Elle Faning) dont l’innocence et la beauté solaire attisent les jalousies de ses consœurs. Grand moment de désolation face à ce film auto-complaisant dont les plans, figés sous leur vernis, se vident instantanément de leur substance et atteignent des sommets de mauvais goût.


Pendant ce temps sur la Croisette…

Entre deux projections, il fait bon naviguer dans les rues cannoises pour se dégourdir les jambes. C’est là que nous avons croisé Bernard Ménez qui nous apprend qu’il s’apprête à remonter sur les planches. Il va bien et vous embrasse.