Huitième jour de Cannes 2016

18 mai 2016

Météorologies

Maintenant que le Festival de Cannes se déroule sous le soleil exactement, les météorologies des films font la loi.

Les yeux d’orage d’Adèle Haenel, alias Jenny Davin, jeune médecin généraliste de Liège, et le souffle des patients qu’elle ausculte sont les portes d’entrée du beau film (La Fille inconnue) des frères Dardenne présenté en compétition. L’histoire d’un réveil et d’une quête, comme toujours chez les réalisateurs de La Promesse, du Gamin à Vélo de Deux jours et une nuit. Un film qui interroge la responsabilité particulière et générale, avec douceur, intelligence, et âpreté.

La chaleur étouffante de Ma’Rosa du Philippin Brillante Mendoza, scandée par quelques pluies torrentielles, accompagne une œuvre intranquille, filmée caméra à l’épaule dans les rues d’un quartier pauvre de Manille. Une plongée dans la vie d’une famille qui survit en revendant dans une épicerie des sachets de drogue qui font les fins de mois. Arrêtés, ils doivent amasser une somme colossale pour que la police les relâche. L’argent qui achète et corrompt, qui salit et avilit : c’est implacable, désagréable, comme une réalité qu’on préférerait ne pas observer.

Ces deux thrillers d’auteurs, chacun à sa façon et avec mille nuances de mise en scène, faisaient souffler un vent de revendications sociales et politiques sur la Croisette.

Au Certain Regard, La Tortue Rouge, premier long métrage d’animation de Mikael Dudok De Wit, fut un moment de poésie pure, de délicatesse bienvenue : un naufragé sur une île déserte, entre tempête et tsunami, fonde une famille. Et Hirokazu Kore Eda nous emmena, avec Après la tempête, dans une balade nostalgique en terre familiale que l’arrivée d’un typhon menace et finalement lave de ses scories : comment, adulte et poursuivi par sa réputation, un écrivain en panne d’inspiration retrouve sa place de fils, de père, sans vraiment parvenir à oublier l’enfance, ses rêves et ses promesses non tenues.

Traverser ces univers, se laisser envahir par eux, c’est le bonheur d’une journée bien remplie d’une salle l’autre, à Cannes. Ça n’arrive pas tous les jours et parfois si : quatre grands moments de cinéma ! Ne changez rien, je veux vivre là.