Cannes 2016 : Jour 2

12 mai

Après une ouverture sous des cieux orageux, le soleil pointe le bout de son nez pour une première vraie journée de marathon cinématographique.

8h30 : pas question de traîner à l’horizontale, on se lève tous pour Rester Vertical d’Alain Giraudie en compétition. Sur les chapeaux de roues, nous voici transbahutés pour un conte original, empli de la nature aride de la Lozère et des embruns de Brest, d’humour et de situations surréalistes, de sexes, plein, et de confusion des genres. Nous sommes bien dans la ligne des préoccupations prioritaires du cinéaste aveyronnais. Le personnage de Leo (excellent Damien Bonnard), scénariste de cinéma (ou réalisateur, tel un alter ego de Guiraudie lui-même ?) chasse les loups, mais tombe amoureux d’une bergère. Tout de go, il lui fait en enfant. Et il devra s’en occuper, tant à la façon d’une chanson de Jean-Jacques Goldman, il a quasi fait un bébé tout seul… Rester Vertical est un titre emblématique du courage qui sied ainsi à Leo, celui de se tenir d’aplomb face à monde qui le submerge. Le titre pointe aussi les attributs d’une sexualité masculine sans limites et d’où il ressort que la solitude est comparable à la posture de l’arbre isolé dans un champ : droite et intangible. Un très beau film, profond et inattendu.

En compétition également, l’Anglais Ken Loach avec I, Daniel Blake, est fidèle à son esthétique et à sa clairvoyance, acerbe sur la misère sociale actuelle en Angleterre. Daniel Blake est malade et perdu comme beaucoup, dans un flot administratif kafkaïen qui l’empêche de toucher une pension d’invalidité. Face à cette absurdité, on lui demande de rédiger des CV et de chercher du boulot notamment via internet, alors qu’il n’a jamais touché un ordinateur de sa vie. L’illustration de cette incapacité à rattraper le train en marche valent à elles seules de réunir toutes les qualités d’observation intrinsèques au cinéma de Ken Loach. Hélas, en répétant inlassablement les mêmes motifs avec une telle une volonté d’émouvoir et une once d’angélisme un peu « too much », le cinéaste agace davantage qu’il n’émeut…

Et les stars de la journée ? Une magnifique brochette aura fait les joies du public agglutiné sur les traditionnels escabeaux qui s’amoncellent au bas des marches rouges du palais : Jodie Foster, George Clooney et pour la première fois au festival de Cannes, Julia Roberts, Mesdames et Messieurs ! Réunis pour Money Monster réalisé par Jodie Foster, les fans de glamour auront su faire crépiter les flashs de leurs smartphones. Le cinéphile sera, quant à lui, davantage resté sur sa faim : efficace et doté de bonnes intentions, Money Monster ne bouscule pas les canons du cinéma de genre consacré aux salopards de la finance qui dirigent le monde. Cette histoire de prise d’otage d’une star d’un show business de la TV, incarnée par un Clooney en roue libre, est, en outre, badigeonnée de spectaculaires invraisemblances. On lui préfèrera donc Le Loup de Wall Street de Scorsese ou encore The Big Short d’Adam McKay.

La Semaine de la Critique ouvrait enfin les festivités de son côté avec le film jovial de Justine Triet qui après La Bataille de Solférino proposait une nouvelle campagne : élire Virginie Effira comme meilleure révélation comique la plus sensuelle de toute la Croisette avec Victoria. Et ce n’est pas le chanteur Prince, très amateur de jolies dames, auquel on rendait hommage en projetant sur la plage son mythique Purple Rain, qui s’en serait plaint.