Cinéphilies

Diablement cinéphile !

CUT la revue édite l’intégrale de sa rubrique  « cinéphilies » : des cinéastes et acteurs réagissent à des titres de films offerts en pâture. Réjouissant.

C’est un travail au long cours. Huit années de présence assidue aux rencontres organisées par des cinémas ou des librairies, essentiellement strasbourgeoises, qui accueillent chaque mois des professionnels du cinéma dans le cadre de tournées promotionnelles. CUT la revue a été créée en 2005 à Strasbourg et fait partie des belles initiatives cinéphiles qu’on trouve hors des sentiers battus : soit un mensuel gratuit de quelques pages où s’exprimaient des passionnés du 7ème Art, en mots ou dessins, avant de devenir une collection d’ouvrages sur le cinéma, à parution plus sporadique dans le temps.

Lors des rencontres avec les cinéastes et comédiens de passage, un exercice leur était ainsi proposé : commenter des titres de films, de tous horizons, qu’inspirait, de près ou de loin, leur propre production. Ainsi Cédric Klapisch, Sandrine Bonnaire, Pascal Bonitzer, Muriel Robin, Chantal Akerman, Manu Payet ou Bertrand Bonello (ils sont près d’une centaine) convoquent-ils leurs souvenirs à l’évocation de Easy Rider, La Boum, Shining ou Stalker. Avec cette idée que le cinéma se nourrit, aussi, de lui-même. Quid, dès lors, de ces possibles inspirations ? Les films ont été vus ou non et les réponses sont souvent aussi intéressantes dans un cas, comme dans l’autre. Prolixe sur la plupart des titres proposés, la scénariste et réalisatrice Céline Sciamma sèche sur De bruit de de fureur de Brisseau. Aveu :  « Eh bien, c’est le seul Brisseau que je n’ai pas vu. Pile-poil. Je suis désolée ! Ça vous raconte un truc sur moi, c’est que je ne suis pas du tout une cinéphile hardcore. J’étais cinéphile hardcore pendant sept ans dans ma vie, à l’adolescence, et puis maintenant je suis un peu plus perverse polymorphe. Je ne vais pas au cinéma comme une dingue. Parce que je lis des livres, je lis des BD, je regarde la télé. Et du coup, j’ai des lacunes. Qui me réjouissent ! Parce que des choses restent à voir ».

Parmi les films proposés, deux reviennent sous forme de fil rouge, l’histoire de relier ce grand tout : Irréversible et Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain. Le pari initial étant que chacun devrait avoir quelque chose à dire sur ces films-événements qui ont tant fait parler d’eux à leur sortie et au-delà. Et l’on s’amuse à découvrir des réactions opposées. A propos du film de Jean-Pierre Jeunet, Jean Dujardin déclare : « « Ce film m’a fait le même effet que Toy Story », quand Bruno Dumont – faut-il s’en étonner ? – a cette réponse définitive : « Tout ce que je déteste. C’est indigeste. Ce film me donne envie de vomir ».

CUT, les Cinéphilies, que signent Romain Sublon et Jenny Ulrich, offre une vision mutine du cinéma et suscite une furieuse envie de voir ou revoir des films. Passionné et stimulant.