Pas toujours l'enfance de l'art

Cannes Jour 2

À Cannes on a toujours l’impression de passer du coq à l’âne, d’un bon film a un moins bon, de l’inspiration au déjà vu, de l’efficacité aux effets de styles. Les films se succèdent et (heureusement) ne se ressemblent pas, même si parfois la chronologie de la programmation semble sous tendre un point de vue ou juxtaposer des thèmes cousins. C’est la sensation que laisse les deux premiers films de la compétition : Faute d’amour du russe Andreï Zviagintsev, traite d’une enfance brisée, comme le deuxième, Wonderstruck de Todd Haynes. Et chacun le fait à sa manière, le premier en creux, l’autre en plein. À les voir successivement, ils prouvent la diversité prégnante du langage, la brillance et cruauté de la mise en scène russe face au jeu de séduction et des artifices chez l’américain. C’est quasi une sorte de guerre froide qui se joue devant nous, qui porte bien son nom tant dans ce cas, le vent glacial qui souffle à l’est ne permet pas le réchauffement des cœurs. Match par KO donc : le russe par l’épure produit des plans inoubliables avec une capacité idoine à maîtriser le hors champ, le temps et l’espace tandis que le ricain veut tout (et trop) montrer, jusqu’au ridules du passage des ans sur le visage de la star Julianne Moore, s’encombre d’expédients narratifs de son enfant sourd, quitte à rendre son film muet, quitte à surenchérir paradoxalement de violons (pas ceux de « Life on Mars » de Bowie, non, un autre). Quant au final, le russe tire de son récit tout entier un message politique, âpre et symbolique, le deuxième se satisfait de contempler le ciel et les étoiles. Et pourtant, dieu sait qu’on les trouve beaux, oui.