Marina Hands, en relief

Dans Actrice de Pascal Rambert, mis en scène par lui-même, Marina Hands incarne Eugenia, une actrice mourante entourée des siens dans une chambre d’hôpital. Autour de la vie, de la mort, du théâtre, la parole des uns et des autres se libère avec ampleur et précision. Marina Hands est aujourd’hui nommée aux Molière pour ce rôle en relief.

Dans Actrice, avant le début du spectacle, vous êtes seule en scène dans un lit, vingt minutes durant, pendant que les spectateurs s’installent…

C’est une sorte d’événement pour moi qui ai peur des gens. Je travaille souvent avec l’idée d’un quatrième mur, sinon ça m’effraie. Quand Pascal Rambert m’a dit que j’allais passer vingt minutes seule en scène avant le début de la pièce, je me suis dit que ça allait être une aventure. J’ai donc trouvé une technique de respiration apaisante pour rester calme. Je gonfle le ventre sur l’inspiration, puis je laisse le ventre se dégonfler et je le rentre sur les trois dernières secondes. Puis je respire normalement deux, trois fois, et je recommence. C’est une bonne façon de se réoxygéner.

Au fur et à mesure, je me suis mise à aimer ce moment. Au théâtre, on peut avoir peur du public, la peur de ne pas être assez immergée dans ce qu’on a à raconter, et ce moment est devenu un sas de préparation. Maintenant, j’en ai besoin. Au début, je bougeais dans mon lit, et maintenant, je suis totalement statique pendant ces vingt minutes, je ne bouge plus du tout. Ça devient comme une méditation.

Vous entendez les spectateurs s’installer…

Oui. L’autre jour, une femme s’est exclamée : « Oh ! Elle est déjà en scène, la malade ! ». Elle était au premier rang et a enchaîné : « On va la voir agoniser de près ! On dit agoniser ou agonir ? ». Grâce à ce spectacle, j’ai appris à faire avec le public. Les spectateurs font partie d’un tout.

À quoi pensez-vous pendant ces vingt minutes ?

Je pense à la pièce. J’essaie de faire le vide, comme une sorte de reparamétrage. Et bizarrement, ça vient de l’énergie que je sens dans le public. Parfois, je sens le public très à l’écoute avant même que le noir se fasse. Parfois, ça chahute, des portables bipent. Comme je sais que je ne quitte pas le plateau pendant deux heures, je sais que j’ai intérêt à m’acclimater aux gens.

La sensation doit varier selon la salle, n’est-ce pas ?

Aux Bouffes du Nord, c’était magnifique, car il y avait une forme de proximité, mais on se sent aussi très écrasé, car le public est très haut. Au Théâtre National de Strasbourg, c’est plus intime, j’entends les gens. Je m’y sens bien et c’est la meilleure acoustique. J’ai eu un faible aussi pour la grande scène du Théâtre d’Annecy. J’avais l’impression d’être à la proue d’un énorme ferry. Cette salle de 900 places est très impressionnante. Ce qui est intéressant, c’est soit la grande intimité, soit l’immensité.

Que puisez-vous de l’énergie de vos partenaires, et notamment d’Audrey Bonnet que vous admirez beaucoup ?

C’est mystérieux. Entre Audrey et moi, il y a une circulation sensible, une compréhension. Elle est très sécurisante, Audrey, en scène. Elle est flambeuse, elle veut qu’il se passe quelque chose et elle va le chercher. Elle est comme une grande sœur pour moi, même si on a le même âge. C’est une pirate, une rebelle. Elle m’aide à explorer ça en moi, à avoir moins peur.

Vocalement, on a l’impression que vous puisez quelque chose dans vos entrailles sur scène…

Je ne contrôle pas trop, mais je sais que j’ai un rapport physique viscéral au théâtre. Comme si tout mon corps s’engageait. Ce qui modifie sans doute ma voix. Je plonge. C’est comme une joyeuse transe. Au cinéma, par exemple, on est en lien avec les éléments réels, la vraie pluie, le vrai vent. Au théâtre, il faut tout fabriquer. Avec le temps, j’arrive à me projeter dans des imaginaires avec le mental.

 

Comment vous préparez-vous à entrer sur scène ?

Je chauffe la machine. À fond, sinon je me fais mal. Pendant longtemps, j’ai eu une cassette avec des exercices d’une professeure, Nicole Fallien, que je faisais et qui avaient le don d’irriter mes voisins de loge.

Écoutez les exercices vocaux de Marina Hands.

Et physiquement ?

Je fais des exercices inspirés de la méthode Feldenkrais, basés sur la respiration et sur la détente des muscles. Je fais aussi des abdos. Le but de l’échauffement, c’est qu’on ne voie pas l’effort sur scène.

 

Que vous dites-vous la seconde avant de monter sur scène ?

J’ai des rituels, je dis « merde » aux gens, à la manière d’un rugbyman.