L'interview azimutée de Charlotte Le Bon

Comédienne

En marge du Festival du Film Romantique de Cabourg, Charlotte Le Bon sirote son rosé et rit de bon cœur. Venue présenter Le Secret des banquises (sorti en salle le 22 juin dernier), elle nous ouvre les secrets de ses rêves, un rien étranges, et le conseil de David Lynch pour mieux créer… Rien que ça.

C’est quoi pour vous, un film d’amour ?

Mon film d’amour préféré depuis toujours, c’est Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Une façon de mêler le rêve à la réalité et à l’amour. Parce qu’une grande partie de l’amour ne se passe que dans notre tête !

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C’est plus facile de jouer l’amour ou la colère ?

Probablement l’amour. Mais moi, j’aime me mettre en colère, ça me fait du bien. Les vraies colères constructives, il n’y a rien de plus sain.

Votre dernier rêve ?

J’ai fait un rêve cette nuit où j’étais dans les tranchées, c’était la guerre. On n’était pas en pleine bataille, mais je suivais des gens avec des kalash et la vue de la kalash me paraissait normale, comme si j’avais eu le temps de m’habituer. Je me suis fait la réflexion, dans mon rêve, que c’était quand même intense de s’habituer à la vue d’une arme, puis je me suis dit que c’était le quotidien de milliers de personnes. Et je me suis réveillée.

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Un cauchemar récurrent ?

Non, par contre je meurs très souvent dans mes rêves.

Et ça vous réveille ?

Bah non, je meurs. Imaginons que je me lance en bas d’une falaise, je vais vivre la chute jusqu’à la mort et après, tout devient noir, et je me sens sortir de mon corps. Récemment d’ailleurs, j’étais sur la plage, dans un paysage très orageux. J’étais entourée de falaises et un mur d’eau arrivait sur moi, je ne pouvais pas m’enfuir. Derrière moi, les falaises commençaient à s’effriter, le mur arrivait et à l’intérieur, je voyais nager des épaulards… Et je me disais : « Ah ben, c’est bien, la vie me propose deux façons de mourir et c’est à moi de choisir au lieu d’attendre ». Je choisissais la falaise, un gigantesque rocher me tombait sur la tête. Je me disais : « Ça y est, je suis morte », je sentais que je sortais de mon corps. Et puis je me suis réveillée en me disant : « Ah ben non, je peux pas être morte, je me pose beaucoup trop de questions ». Et je trouve ça très angoissant… Si c’est ça la mort, c’est horrible.

Vous voyagez beaucoup ?

Oui, pour le travail.

Aimez-vous ça ?

J’adore. Et c’est d’ailleurs grâce au voyage que je suis là aujourd’hui. Si je n’avais pas aimé ça, je ne serais pas devenue mannequin… je ne serais pas venue à Paris et ainsi de suite.

Qu’y a-t-il aux quatre points cardinaux de votre boussole ?

Mes parents, mes amis, mon art… Et la liberté. J’ai besoin de me sentir libre. Même quand j’ai trop de projets, je me sens facilement étouffée. Et j’aime avoir toujours la possibilité de faire autre chose et de vivre complètement autre chose si tout foire un jour.

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Que feriez-vous ? 

Je pense que je continuerais à dessiner, peut-être pas en pouvant en vivre. Mais je pense que j’irais construire une hutte au Costa Rica, je ferais du surf et je deviendrais prof de surf… Un truc comme ça.

Smoking ou jogging ?

Jogging.

Est-ce que vous avez un objet fétiche ?

Mon père m’a offert, quand j’avais sept ans, un œuf fossilisé qui venait de Madagascar. Et je l’ai toujours gardé. Je ne sais pas pourquoi, il est très gros, lourd, on dirait qu’il me protège, je l’aime bien.

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Avez-vous un rituel ? 

Je me lave le visage tous les soirs, et les dents ! Non, c’est une forme de liberté ; les gens qui ont des rituels sont des gens très angoissés souvent, non ?

Peut-être qu’ils rêvent moins qu’ils meurent…

Aussi, oui. Peut-être. Mais si j’avais des rituels, je ne serais pas dans cette forme de liberté dont j’ai besoin. Ce ne serait pas cohérent avec mes points cardinaux !

Sur quoi dessinez-vous ? 

Une feuille classique, assez épaisse, mais à grains pas trop gros… Récemment, j’ai commencé à faire des lithographies.

Qu’est-ce qui vous en a donné envie ? 

La paresse ! J’avais fait un petit personnage, grand comme ma main, et je le trouvais parfait. Et la lithographie permet de faire des agrandissements, et j’ai pu le faire imprimer en 1m75 de long. C’est un personnage à tête de cœur qui regarde une banane. Il est sur mon Instagram… C’était ma première litho, et on imprime couleur par couleur, le personnage apparaît doucement, et le procédé est fascinant.

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Une fleur préférée ?

La pivoine, une rose avec plus de personnalité et qui sent bon.

Burger ou salade ?

Burger. Je vais me faire détester, mais je me trouve toujours un peu trop maigre et j’essaye toujours de prendre du poids.

Quel est votre rapport à la musique ?

C’est très important. Avant, j’écoutais beaucoup de musique quand je créais. Mais je travaille maintenant à l’atelier lithographique, ils ont une verrière magnifique et la lumière est parfaite et je travaille en musique. Et David Lynch, qui travaille là aussi pour peindre quand il est de passage à Paris, est venu me voir et m’a dit : «You should never listen to music when you draw because it divides the mind». Au début, j’ai fait : «Ouais, c’est ça, ouais, David, retourne faire des trucs». Et en fait, il avait raison. Je suis beaucoup plus concentrée quand je n’ai pas de musique, j’avance mieux. Il peut y avoir du bruit autour. Des gens qui travaillent, les presses, mais pas de musique ; ça isole, la musique.

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Et votre rapport à la lecture ? 

Ça vient et ça passe. Quand je lis, je ne dessine pas. Quand je tourne, par exemple, je ne peux pas dessiner. Quand je tourne, il faut que je m’ancre dans une forme de réalité pure ; pour trouver une vérité dans ce que je joue, je dois être ancrée dans le présent. Le dessin, je me permets de ne pas être là, de rêvasser. Donc, dès que je ne tourne pas, je dessine.

Un remède contre le trac ? 

Je suis très traqueuse, et je pense qu’il faut l’embrasser. Mes doutes, c’est mon moteur. Si je ne doute pas, c’est pas bon signe. Le combattre, ce serait épuisant, il vaut mieux avancer avec.

Vous avez quoi de prévu dans dix minutes ? 

Boire du rosé, je crois. C’est bien, non ?

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Dans dix jours ? 

Je serai à New York pour faire la post-synchro d’un film qui s’appelle The Promise sur le génocide arménien. Que j’ai tourné il y a quelques mois.

Dans dix ans ? 

J’aurai 39 ans… Aucune idée. Je ne me projette pas, depuis toujours. On change, nos désirs changent d’année en année… Il vaut mieux improviser.

Avez-vous une devise ? 

Work hard and be nice to people ! C’est très joli et 100% vrai !

Photographies : Annick Holtz
Illustration : Charlotte Le Bon