Entretien avec György Kristóf

Réalisateur de Out

Premier film du cinéaste slovaque György Kristóf, Out, présenté au Certain Regard, est une séduisante relecture de road movie, ironique et décalée. On y suit le parcours d’Agoston, employé d’une centrale nucléaire fraichement renvoyé, qui va traverser l’Europe, au cours d’un voyage initiatique, où il multipliera les rencontres pittoresques. György Kristóf est revenu avec nous sur la genèse de son film et sur ses méthodes de travail.

C’est votre premier Festival de Cannes ?

Non, mon second, j’étais déjà venu pour l’atelier de la Cinéfondation, il y a deux ans. C’est très agréable, du coup, de revenir, dans d’excellentes conditions, pour présenter le film enfin terminé. Evidemment, tout est plus grand, plus impressionnant. La présentation du film est un moment très dense, où se multiplient les rencontres, les entretiens.

Pourriez-vous évoquer la genèse du film ?

Au cours de ma vie, j’ai vécu en Hongrie, en Slovaquie, à Prague, à Riga : je voulais vraiment tourner un film dans lequel mon héros voyagerait, pour capter l’essence du voyage, l’idée d’être loin de chez soi. Après avoir hésité sur son âge, je me suis finalement dit que mon personnage principal devrait plutôt être de la génération de mon père,  d’abord parce que ça créait de meilleurs enjeux dramatiques et puis, tout simplement, car mon père, s’est retrouvé dans une situation similaire. Pour constituer le récit et ses péripéties, j’ai réuni des souvenirs, des histoires confiées par mes proches mais aussi des articles de journaux.

Vous débutez de manière naturaliste avant de dériver doucement vers quelque chose d’onirique : c’était déjà dans le scénario ?

La première version était plus réaliste, mais comportait pour moi trop de clichés sur l’Europe de l’Est et je me suis demandé comment avoir une autre approche. C’est pour cela que j’ai décidé de m’éloigner d’une forme de réalisme, plus mon héros progresserait vers le Nord. C’était important pour moi de mettre du style dans mon film. Je voulais que le public comprenne assez rapidement qu’il n’allait pas seulement voir un drame social, qu’il y trouverait plus que ça.

Le plan sur le filet, en début et en fin de film, était-il prévu dès l’écriture ?

Non, ça s’est fait pendant le processus du montage. Les principaux changements de montage ont été opérés au début du film. La première partie était très différente dans le script, qui comprenait beaucoup plus de scènes en Slovaquie. Pour moi, on se rapprochait encore une fois trop du drame social, de quelque chose de trop concret à mon goût.

Où avez-vous trouvé votre acteur principal ?

Il n’avait jamais tenu de premier rôle dans un film. Il est plutôt connu pour appartenir au théâtre alternatif hongrois. Il n’est pas du tout issu d’un enseignement classique, ce qui lui donne une approche très différente du jeu. Il est du coup beaucoup plus libre, plus naturel et son rapport au travail est très créatif. Dès notre première rencontre, il a fait preuve d’un humour formidable, qui, je le savais, pourrait beaucoup apporter au film.

Comment avez-vous trouvé le ton de votre film ?

Cela s’est fait en plusieurs étapes, notamment dans le choix des acteurs, bien sûr, mais aussi des lieux de tournage. Je voulais des décors avec de la personnalité et je ne voulais pas qu’on reconnaisse une ville en particulier, c’était plus l’essence d’une ville de l’Est que je voulais retrouver. Faire quelque chose d’universel.

Êtes-vous d’accord avec l’idée qu’on puisse parler de votre film comme d’un western ou d’un conte de fées ?

Tout a fait, j’aime beaucoup l’idée de mélanges des genres. Quelle séance du film avez-vous vu ?

La seconde

C’est étrange, car à la première séance, le public a beaucoup ri, alors qu’à la seconde, il était beaucoup plus calme. J’imagine qu’on peut envisage le film de façons très différentes. C’est très intrigant pour moi.

Aviez-vous l’intention d’adresser un message politique ?

Pour moi, même si nous ne sommes pas dans un environnement réaliste, ça ne m’empêche pas d’avoir un discours politique, à plusieurs moments du film. Mais la scène avec le couple excentrique, à laquelle vous faîtes certainement allusion, est surtout pour moi, le pic narratif du film, plus qu’un discours sur la Russie d’aujourd’hui.

Comment avez-vous travaillé avec vos acteurs ?

Je n’ai pas eu de méthode en particulier : j’avais des comédiens de générations différentes, qui venaient surtout de six pays différents. Il y avait des acteurs professionnels, d’autres plus amateurs. J’avais presque besoin d’une approche différente avec chacun d’entre eux. Bien sûr, nous avons fait pas mal de répétitions. Mais certaines ont été tournées dans l’improvisation.

Ça ne se voit pas à l’image, tout est très homogène

Ça faisait partie de la difficulté du montage, de donner une forme cohérente à tout cela. Le tournage n’a duré que 25 jours, avec des déplacements dans quatre pays différents.

Avez-vous un des projets ?

Un, en particulier, un film qui mêlerait danse, thriller et science-fiction. Qui parlerait de la situation politique en Europe après les révolutions de la fin des années 1980. Sinon, j’ai un projet à New-York, qui se situerait prenant le blackout de 1977. Enfin, j’ai un projet qu’on pourrait considérer comme une suite spirituelle de Out, avec des personnages différents.