Polluting Paradise

L’œuvre s’est soudain liée autrement. Par une couture de la fiction sur la vie. Fatih Akin tournait une dernière scène de De l’autre côté sur la terre de ses origines, dans le village familial, au nord de la Turquie. On était en 2005, l’été irradiait le berceau de ses aïeux. Un paradis vert, au loin la mer, mais qui bientôt ne sera plus jamais comme avant, avec sa douceur, son bonheur, sa couleur. Menacé, changé et dévasté par le génie incivil des politiques et de leurs serviteurs. Sur le terrain de l’ancienne mine de cuivre désaffectée, ils ont installé une décharge à ciel ouvert. Une tragédie, que le réalisateur allemand enregistre et documente. Au fil des mois, avec l’appui du photographe du village mué en documentariste, Fatih Akin a filmé la perte, le désenchantement et l’anéantissement du village, déversoir nauséabond des poubelles des autres : la chronique désespérée d’une catastrophe écologique annoncée. Ici sont des hommes en lutte se cognant aux puissants et aux absurdités de l’administration. Des hommes en révolte essuyant le mépris des ingénieurs à l’égard de leurs protestations. Des hommes tristes, subissant les rebuffades des forts entêtés. Le film n’aura rien empêché, mais au moins la caméra au poing aura apporté des preuves et attesté de cette folie. Comme un film-témoin, clé, essentiel, substantiel.