Moka

Léman noir

Cette adaptation du roman éponyme de Tatiana de Rosnay séduit. Frédéric Mermoud confirme son talent pour créer des ambiances tendues, étranges, délétères. Il avait déjà initié le mouvement avec son premier long-métrage Complices, et avec sa co-réalisation sur la première saison de la série Les Revenants. Avec son coscénariste Antonin Martin-Hilbert, le réalisateur suisse a judicieusement déplacé l’intrigue littéraire, située entre Paris et Biarritz, à un va-et-vient entre Evian et Lausanne. Entre les deux, une masse opaque, le lac Léman. Et comme objet de fascination et pivot dramatique, une voiture, rétro, singulière, Mercedes 450 SL, de couleur moka, donnant son titre au récit. D’un portrait de femme sous influence, en pleine dépression suite à la perte de son jeune fils, l’aventure vire au film noir. Une brune trace une blonde. Tout est question de « regardant » et de « regardé », transcendé par une aisance de la mise en scène et du cadrage. L’obsession maternelle guide l’incarnation fine d’Emmanuelle Devos, et sa rencontre avec Nathalie Baye, en parfumeuse de Haute-Savoie, offre un duo de haut vol. On y croit, et on suit Diane, fausse « Hélène », comme dans un drame bourgeois chabrolien, dans cette quête libératoire, à la saveur amère et délicate d’un café moka…