Ken Loach, d’année en année, creuse son sillon de réalisateur engagé. Avec Moi, Daniel Blake, Palme d’or au dernier festival de Cannes, il sème, en plus, quelques graines d’humanité, de colère et de cinéma. N’en déplaise aux grincheux.
« Naïf », « facile », « larmoyant », « manichéen »… les épithètes désobligeantes naissaient facilement lors de la projection cannoise du dernier opus de Ken Loach. Et la Palme n’a pas fait taire les détracteurs du réalisateur britannique.
Pourtant ce Daniel Blake n’en mérite pas tant. Naïf, peut être, le film est aussi profondément humain. Et c’est de sa sécheresse parfois presque clinique que naissent les larmes et l’empathie. Et peu peuvent se vanter d’en faire autant.
Ken Loach et son scénariste Paul Laverty dissèquent avec une précision à la limite du documentaire les rouages de l’absurde d’une société qui n’arrive pas à faire face.
Coincé entre un médecin qui lui dit qu’il ne peut pas retourner travailler et un État qui considère qu’il doit y retourner, Daniel Blake n’a plus d’argent. Il va croiser Katie, relogée avec ses enfants loin de son boulot et de ses soutiens familiaux, sans argent, elle aussi…
Et pourtant ce sont des gens bien, honnêtes, qui vont galérer, tomber bas, en essayant malgré tout, sans toujours y arriver, de ne pas perdre le peu qu’il leur reste : leur dignité. Des personnages qui se rencontrent, s’indignent et s’aident. Malgré tout.
Les convictions politiques de Ken Loach n’ont jamais été un mystère. Il s’exprime régulièrement dans la presse et s’il ne le faisait pas, ses films parleraient pour lui. Ken Loach fait du « social », il se penche sur le Royaume-Uni de la middle class, voire de la classe pauvre. Et entre révolutions et situations impossibles, disons qu’on est très, très loin de demander à Dieu de sauver la Reine…
Moi, Daniel Blake suit cette droite lignée de films politiquement engagés, au cœur de ceux que le système oublie.
Ça commence d’ailleurs un peu comme La Part des Anges, avec un État qui ne sait plus quoi faire, et fait souvent mal. Mais là où les histoires d’Écossais et de whisky tournaient à la comédie sociale, les éclats de rire se font vite très rares dans ce film-ci.
Parce que, au milieu de ce cauchemar, Ken Loach et Paul Laverty sauvent l’humanité et – certes, c’est simple de le dire, mais si vrai – l’amour de son prochain.
Alors oui, c’est simple, peut-être naïf, parfois un rien manichéen… Mais c’est aussi touchant, drôle, sur le fil. Et quelques scènes, comme celle à la banque alimentaire, serrent le cœur.
Parce que, du haut – du très haut – de leur expérience de cinéaste et de scénariste, Loach et Laverty sont revenus à une épure salutaire : ils ne font pas de pathos. Mais ils aiment profondément leurs personnages et c’est ce qui rend les situations et dialogues si justes, et permet l’empathie.
Moi, Daniel Blake, c’est un cri du cœur d’un cinéaste qui a parfois l’air fatigué de devoir, encore et encore, dénoncer les mêmes choses. Mais c’est aussi la vision d’un cinéaste sur une situation, et donc son propre biais : il est absolument optimiste quant aux Hommes, avec un grand « H »…
Et pour cela, rien que pour cette humanité et ce cinéma jusqu’au-boutiste, oui, on aime encore et toujours Ken Loach, avec cœur et bonheur, et on vous invite à nous rejoindre.