Vif-Argent

Poème de l’amour éternel

Une romance fantastique et une errance mélancolique constituent cette oeuvre singulière, un nouveau diamant dans la constellation d’un cinéma français souterrain, dont l’étrangeté n’empêche pas la douceur ni la candeur. Un cinéaste à suivre.

Avec ce premier long-métrage envoûtant, sélectionné à l’ACID et lauréat du Prix Jean Vigo 2019, Stéphane Batut tente le cinéma de genre (le film de fantôme) avec sa balade romantique entre ciel et terre. Une jeune femme, Agathe (fabuleuse Judith Chemla) fait son deuil d’un amant disparu quand celui-ci réapparaît sous les traits d’un inconnu (magnétique Thimothée Robart). Cette complicité (re)naissante mêle le réalisme urbain (on reconnaît le parc des Buttes-Chaumont à Paris) et le surnaturel ambigu. Elle donne lieu à des scènes d’une rare sensibilité.

Avec peu de mots échangés, dans un rythme lent et un lyrisme contenu, le réalisateur nous relate son récit amoureux avec la sensualité d’une respiration et le sentiment de l’absolu. Il reprend à son compte un territoire malheureusement peu exploité par le cinéma français, celui du réalisme fantastique popularisé par Jean Cocteau, et que des cinéastes comme Philippe Garrel (La Frontière de l’aube en 2008) ou Jean Paul Civeyrac (Fantômes, en 2001) ont pu prolonger. La dimension poétique repose sur un délicat équilibre entre une candide croyance dans l’au-delà, l’attirance charnelle de deux amants et le conte philosophique. Sans fulgurances, Stéphane Batut s’affirme d’emblée comme un auteur prometteur.