Vers la bataille

Perte et fracas

Un photographe cherche une guerre et une raison de vivre… ou de mourir. Ce premier long-métrage français s’aventure sur des terres inconnues, pleines de bruit et de fureur.

Pas de mots, pas de silence non plus. Le fracas de la vie, lorsque le photographe fixe sur ses plaques le travail en usine, la sueur des hommes, les flammes et la suie. Et puis, soudain, une déflagration, un écroulement. Le fracas de la mort… Sans autre transition que le générique, et ce titre énigmatique, Vers la bataille, voilà notre personnage vêtu d’un lourd manteau de fourrure, chevauchant solitaire un cheval suivi d’une monture bardée d’appareils en bois et de lourdes mallettes, où semble trôner un fantôme sous un voile noir. Tout en beiges pâles et verts bleutés, le paysage sablonneux de bosquets et de cactées évoque un désert lointain, exotique.

C’est par sa voix off et une lettre à Camille, son épouse, que nous saurons enfin ce que Louis fait au Mexique, dans ces années 1860, cherchant à rejoindre – afin de la photographier – l’armée française envoyée par Napoléon III pour coloniser le pays.

Malik Zidi dans Vers la bataille. Copyright Noodles Production.

Mais ce qu’il cherche en réalité, lui-même ne le sait pas encore. Le film, épopée minimaliste, humaniste et désenchantée, se déroule en un rythme languissant, en plans superbes et contemplatifs, mais sans jamais se complaire ni s’attarder. C’est vif et bref, douloureux et déconcertant. Agaçant même, parfois. Mais ce premier long d’Aurélien Vernhes-Lhermusiaux, court-métragiste prolifique, est un projet grandiose et têtu. Il est parcouru d’un feu assez rare pour qu’on s’y attarde. Il conte la quête absurde et belle de Louis, sa rencontre avec un jeune Mexicain, la terrible réalité des batailles et des violences qu’on ne peut faire rentrer dans une boîte, la perte de ses repères et de ses sens. Malik Zidi, magnifique d’effacement et de fragilité, porte sur ses épaules un récit évoquant de grands modèles écrasants tant en littérature qu’en cinéma (on pense à Joseph Conrad et à Fitzcaraldo) et son personnage vit pleinement le voyage au bout de son propre enfer.