Une fois que tu sais

L’acceptation responsable

« Ce qui est certain pour moi, c’est que ce n’était pas mieux avant. Mais l’arche narrative de ce film, c’est l’acceptation d’un deuil : faire face à un savoir, une réalité scientifique ; avoir conscience de ce que l’on fait, et l’accepter. Une fois que tu sais est un long et douloureux cheminement vers un lâcher-prise », résume Emmanuel Cappellin. Et c’est bien ce qui interpelle dans son documentaire très personnel : l’évocation d’un conflit interne et son cheminement vers la poétisation pour avancer debout en dépit du désastre.

Cet ancien assistant du militant écologiste et cinéaste Frédéric Back est aussi chef-opérateur pour Yann Arthus-Bertrand, et auteur d’un film Thoughts & Reflections (2010), qui aborde la bascule du pouvoir géopolitique de l’Occident vers l’Asie. Au gré de ses nombreux voyages et recherches, Emmanuel Cappellin a pris la mesure de l’état dégradé de la planète et de l’urgence climatique. Mais son film Une fois que tu sais, à mi-chemin entre le road-movie et le journal intime, n’a pas vocation à agiter le drapeau rouge, et préfère travailler l’idée de l’acceptation face à l’inéluctable.

Une fois que tu sais d'Emmanuel Cappellin. Nour Films.

Le réalisateur, épaulé par Anne-Marie Sangla, cheffe monteuse du film et collaboratrice à l’écriture et à la réalisation, part ainsi à la rencontre de scientifiques, chercheurs ou activistes, comme l’ingénieur et conférencier Jean-Marc Jancovici, l’expert du GIEC Saleemul Huq ou la géographe allemande Susanne Moser, pleine de sagesse. Parmi eux également, l’écrivain américain et fondateur du Post Carbon Institute, Richard Heinberg, qui l’accueille dans sa maison à San Francisco. Ses mots : « une fois que tu sais, tu ne peux plus être le même » donneront son titre au film. Il faut voir le visage de cet homme raffiné, écouter sa voix, pour éprouver ce qui est sans doute l’une des séquences les plus émouvantes du film, où se raconte comment la lucidité et l’espérance trouvent à s’accorder dans le fait de cultiver son jardin secret. Ça n’a l’air de rien, mais c’est un monde en soi. Et cette séquence contient sans doute l’âme du film tout entière.

Une fois que tu sais chemine ainsi en déployant sa tonalité en mode mineur. S’il semble parfois ployer sous la mélancolie qui le traverse, il est aussi d’une évidente intégrité, et laisse entrevoir des lueurs d’espoir lorsqu’il témoigne des élans de solidarité à l’œuvre dans le village de la Drôme où vit son auteur, ou qu’il défend l’idée d’ancrage et de relocalisation – « qui ne vont pas sans garder une ouverture au monde, indispensable pour ne pas favoriser le repli identitaire. », précise-t-il à juste titre.

Un film instructif et méditatif, qui accorde un intervalle de résonance à ses images et laisse ainsi une place au spectateur pour trouver son chemin, lui aussi.

 

Anne-Claire Cieutat