Thunder Road

La dépression comme thérapie

Grand Prix au Festival du Cinéma Américain de Deauville, Thunder Road, premier film survolté, propose la dépression comme thérapie.

 

Thunder Road est le premier long -métrage d’un jeune trentenaire, Jim Cummings. Avec une belle voracité créative il en cumule tous les postes : auteur, réalisateur, monteur, interprète principal, producteur, et pour faire bonne mesure, compositeur. C’est une « dramédie » : une comédie qui vous arrache des larmes, un drame où le rire surgit comme un arc-en-ciel.

Jimmy Arnaud (Cummings), est un bon petit flic texan. On le voit, en uniforme, à l’église, devant un cercueil. Sa mère y repose. Il nous dit qu’elle aimait tant cette chanson sentimentale de Brune Springsteen, « Thunder Road », où l’on entend tout de même : « Oh !   Cette route, plantée là-dehors comme un tueur dans le soleil »… Il est désolé, il ne peut pas la chanter. Mais voilà que dans un tonitruant plan-séquence de dix minutes, il se met à sauter, à gesticuler, à danser devant l’assistance médusée et nous-mêmes, spectateurs interloqués. Cette prestation burlesque tout à fait hors de propos vaudra au fils éploré et déjanté de graves ennuis… Mais sera pour Jim Cummings un sujet d’inspiration et même d’obsession. À l’origine un court-métrage indépendant, elle deviendra – après un laborieux financement participatif -, la matrice et le prologue du film à venir… Où Jimmy ne quittera pas un instant l’écran. Dyslexique, mais ce n’est pas une excuse, il accumule les bévues, les bavures. Viré de la police, se retrouvant dans la rue presque nu, le slip en lambeaux, tout comme sa vie. S’accrochant comme un dément à la seule éclaircie de son existence, la garde alternée de sa petite fille, Chrystal (scènes délicieuses avec l’enfant). Ce que nous dit finalement Jimmy dans ses dérives clownesques, c’est qu’on a le droit d’être un mec tout en refusant de toutes ses forces le rôle assigné par l’Amérique machiste de mâle dominant. Ce que dit Jimmy, c’est qu’on a le droit d’être dans la surcharge d’affects permanente. État qui peut, à la longue, se révéler agaçant. Mais qui, – sacré Jimmy Arnaud, sacré Jim Cummings -, nous a touchés au cœur, le sourire aux lèvres.