Reflet dans un diamant mort d’Hélène Cattet et Bruno Forzani

Soleil aveugle

Dévoilé en compétition à la dernière Berlinale en février, le quatrième long-métrage d’Hélène Cattet et Bruno Forzani creuse le sillon de leur cinéma singulier. Un voyage rétro réjouissant, aux couleurs chatoyantes et aux trappes infinies, qui joue plus que jamais la carte de l’hommage aux genres d’hier, avec l’éclat de l’artisanat d’aujourd’hui.

Le titre est un couloir à évocations : Reflet dans un diamant mort. De quoi se perdre dans les méandres des images qui en naissent, tout comme les trois opus précédents du duo Cattet/Forzani, d’Amer (2010) aux slogans poétiques L’Étrange Couleur des larmes de ton corps (2013) et Laissez bronzer les cadavres (2017). Entre héritage de la littérature, de la bande dessinée, du 7e art et de l’art en général, l’univers des cinéastes regorge de références et d’influences. Ici encore, les cinémas bis, séries B, gialli et poliziottesci, chers aux années 1960 et 1970. Polar, espionnage, érotisme et stylisation de l’esthétique, de l’image et du son. Pas étonnant qu’ils aient convoqué l’ex-vedette italienne de ces courants d’alors, Fabio Testi, pour reporter le flambeau. Il apporte un charme suranné à son personnage d’espion à la retraite pas si reluisant que ça, et plongé en plein labyrinthe mémoriel. Les héros ne sont plus ce qu’ils étaient, et la patine du temps enlève une bonne dose de glorieux aux éclats anciens. Savoureux de la part de l’acteur, célébré pour son charme magnétique, autant que pour ses passages chez Sergio Leone, Vittorio de Sica, Lucio Fulci, Andrzej Zulawski ou Monte Hellman.

Dans ce dédale narratif, où la raison se perd aussi facilement que le protagoniste confond le faux et le vrai, le réel et l’imaginaire, le présent et le passé, l’important reste la sensation éprouvée. Le temps du récit, une heure vingt de vision kaléidoscopique, devient une fresque sur l’illusion, où la saveur formelle se délecte plan après plan. La science des couleurs saturées, de la construction graphique, de l’esthétique poussée à son extrême et du montage savant, alimente ce vertige autour du rouge, du latex noir, du soleil éclatant et de l’éclat du diamant. C’est un véritable balancement entre le plaisir nostalgique du cinoche rétro, et sa remise au goût du jour par un tandem de prestidigitateurs filmiques, inventifs et passionnés. La référence à Reflets dans un œil d’or, classique signé John Huston d’après Carson McCullers, se niche à la fois dans l’époque (1967), et dans le jeu de regards et de fantasmes fatals entre les êtres, dont les agitations se reflètent, là dans le globe oculaire d’un paon, ici dans les multiples découpages, lames et pièces détachées d’une robe démente à la Paco Rabanne. Jusqu’à la pierre vermillon au centre d’une bague surpuissante, arborée par un Yannick Renier sans merci. Bienvenue dans ce fascinant miroir aux alouettes sur la Côte d’Azur.