Monos

Voyage hypnotique et fantastique dans une jungle hostile

Le film d’Alejandro Landes est un objet étrange et malaisant, mais qui nous emporte par la force poétique de son abstraction et la puissance de son évocation guerrière. 

Quelque part en Amérique latine, des adolescents et adolescentes rebelles livrés à eux-mêmes constituent une armée de guérilleros. Ils vivent dans les montagnes dans un état sauvage, et occupent leur temps à jouer. Mais le centre de loisirs devient camp d’entraînement lorsqu’ils sont chargés de garder un œil sur une otage américaine et une vache. À la frontière du documentaire, du film d’aventures, du fantastique et de l’installation expérimentale, le cinéaste colombo-équatorien Alejandro Landes livre une œuvre non identifiée, qui élabore un rituel hors du temps reposant sur ses propres codes. 

Ce n’est pas l’histoire d’une guerre ou d’un pays spécifique. La mise en scène éclatée favorise une confusion sur le contexte. Pourtant, loin de nous perdre, le film nous attrape par l’immersion sensorielle qu’il favorise. Il est une invitation à se laisser bercer par le flux des images. Les aspects rituels et folkloriques participent à cette danse des images et des corps, dans un mélange de violence et de méditation. Comme chez Werner Herzog, influence évidente, la nature se révèle à la fois hostile et accueillante. 

Au fil de ses images ambivalentes, Monos touche à la réalité chaotique et brutale des conflits armés et dénonce l’embrigadement par les divers jeux de pouvoirs opérés par cette communauté. La musique de Mica Levi (Under the Skin), magnifiquement lancinante, s’ajoute au travail du directeur de la photographie Jasper Wolf, valorisant le paysage, avec ses sommets recouverts de brouillard épais, les orages au loin, les parois vertes impénétrables de la jungle. Un film magnifiquement charnel.  

En savoir plus : lire notre entretien avec Alejandro Landes