Marriage Story

Charlie contre Nicole

Après s’être aimés, un dramaturge new-yorkais et une comédienne californienne se déchirent par avocats interposés. Noah Baumbach a rarement été aussi inspiré qu’avec ce drame simple et sobre, porté par un superbe couple de cinéma.

On avait quitté Noah Baumabach peu confiant après The Meyerowitz Stories, comédie dépressive, chorale et familiale rongée par ses intrigues entremêlées et l’ego de ses acteurs prestigieux. Peut-être conscient du trop-plein de cet opus, le réalisateur de Frances Ha va à l’épure dans Marriage Story. Son scénario est d’ailleurs d’une simplicité déroutante. Un homme, Charlie, et une femme, Nicole, qui se sont beaucoup aimés, vont se déchirer dans un divorce qui doit trancher la question de la garde de leur enfant.

On sera d’abord reconnaissants à Baumbach d’offrir à Adam Driver et Scarlett Johansson des rôles à la hauteur de leur talent, cette dernière étant cruellement sous-employé ces derniers temps. Les deux comédiens épousent à merveille les nuances que leurs personnages apportent à un scénario jamais manichéen. Car le cinéaste, tout en restant constamment à hauteur de son couple en train de se déchirer, ne donne jamais l’impression de compter les points ou d’affirmer qui a tort ou qui a raison. La justesse de son regard sur un couple en train de se défaire, associée à une critique acerbe du système judiciaire américain, qui a transformé le divorce en un business impitoyable, font évidemment la force de Marriage Story.

Mais son originalité tient peut-être plus secrètement à sa musicalité : deux ans après Meyerowitz, Noah Baumbach retrouve le musicien Randy Newman, avec lequel il est parvenu à une symbiose stupéfiante. Dans son sens du détail et sa façon de raconter une histoire, Noah Baumbach a réussi à trouver un équivalent cinématographique des chansons de l’auteur de I Love L.A. Cette histoire de couple qui se défait pourrait même être considérée comme le miroir de la bouleversante Love Story (You and Me), qui ouvrait en 1968 son album éponyme. C’est peut-être aussi à cela que tient la douce, mais certaine, mélancolie qui nous envahit au sortir de Marriage Story.