Lux Æterna

Dieu ou diable ?

Essai sur la création cinématographique doublé d’une mise en abyme avec tournage d’un film sur la sorcellerie, ce moyen-métrage de Gaspar Noé est aussi appétissant qu’indigeste.

Contrairement aux apparences, Lux Æterna est une œuvre d’esprit plus que de sensorialité. Une fable cruelle sur la fabrication actuelle des films et une réflexion sur la place des sorcières dans notre société. Mais l’ensemble a un air d’inachevé. Le pitch était pourtant prometteur : Béatrice Dalle réalise un conte post-moderne sur la sorcellerie, – L’Œuvre de Dieu -, à la fin duquel Charlotte Gainsbourg brûle sur le bûcher. Non sans humour, celle-ci précise d’ailleurs à sa metteuse en scène avoir déjà été détruite par le feu au cinéma ; au spectateur cinéphile de se remémorer la scène finale de Melancholia (Lars Von Trier, 2011).

Rarement un casting s’est révélé aussi approprié au sujet qu’il incarne : les deux actrices excellent une fois de plus dans des rôles de marginales. Rarement un split-screen s’est autant justifié : rendre compte du fossé qui les sépare, qu’il s’agisse du statut hiérarchique de leur personnage (actrice/réalisatrice) ou de leur personnalité hors et à l’écran (mystérieuse/expressive). 

La déception inattendue à l’égard de Lux Æterna tient à ses ambitions avortées. La métaphore du bûcher comme espace où personnage, pellicule, septième art et spectateur se consumeraient tous ensemble ne démontre rien au-delà de son postulat. Si la faible durée du film (cinquante minutes) explique en partie cet échec, cette dernière réduit également la volonté de Gaspar Noé en velléité : le moyen-métrage n’est pas la flèche plantée en plein cœur espérée, mais un triste coup d’épée dans l’eau. Faute aussi à la mise en scène, se transformant au milieu du récit en un torrent d’extraits aux formats et registres d’images différents, dont il est difficile de saisir la pleine complémentarité (films de patrimoine / making-of de tournage / vidéos tournées sur le plateau). Malgré l’originalité des effets déployés, à commencer par le stroboscope, l’état de conscience modifié escompté n’a pas lieu pour tous et l’indifférence du spectateur s’installe.

Le sujet avait toutefois de quoi nous tenir en haleine. Mona Chollet, dans son livre intitulé Sorcières, la puissance invaincue des femmes (Editions La Découverte, 2018), établit que les femmes sans enfant, célibataires ou âgées, sont les sorcières d’aujourd’hui. Cette réécriture du mythe de l’Histoire de la femme insoumise fait sens, surtout au regard des récents débats médiatiques initiés grâce au mouvement #MeToo et à la prise de parole des femmes. La sorcière est devenue au choix celle que l’on empêche de s’affranchir des codes féminins ou l’indépendante malgré elle. En fusionnant ces deux définitions dans Lux Æterna, Gaspar Noé avance certes une pensée actuelle et féministe, mais celle-ci reste dépourvue d’une proposition constructive d’émancipation.