L’Adieu à la nuit

Ne pas renoncer

Un jeune homme va partir faire le jihad, sa grand-mère fait tout ce qui est en son pouvoir pour l’en empêcher… Au-delà du film dossier attendu, un beau portrait de femme, et, en creux, celui d’une actrice, Catherine Deneuve.

Dans le Sud-Ouest, les cerisiers sont en fleurs à perte de vue, Muriel dirige une exploitation, transformée en centre équestre pour touristes. Son petit-fils, qu’elle a élevé, vient passer quelques jours avec elle avant de partir pour le Canada. Petit à petit, Muriel comprend ce que nous savons déjà : en compagnie de son amoureuse Lila, Alex, récemment converti, veut se rendre en Syrie pour faire le jihad. Elle va s’employer de toutes ses forces à l’empêcher de partir. Car elle sait qu’il ne reviendra pas.

Inspiré des témoignages de jeunes gens recueillis par David Thomson dans son livre, Les Français jihadistes, cosigné avec Léa Mysius (Ava), le scénario de L’Adieu à la nuit n’explique pas les raisons qui poussent Alex et Lila à partir combattre au nom de l’islam, mais rend palpable leur volonté inaltérable. Ce qui intéresse André Téchiné, c’est de parler du regard de sa propre génération sur une telle décision. Pour ce faire, et pour la huitième fois, il dirige Catherine Deneuve, son double en quelque sorte.

Muriel succède à ces mères combatives — Renée (L’Homme qu’on aimait trop, 2014) ; Louise (La Fille du RER, 2009) — ; ces femmes entravées — Cécile (Les temps qui changent, 2004), Hélène (Hôtel des Amériques, 1981) — ou bien libérées, telle Marie (Les Voleurs, 1996) ; ces filles dévouées (quoique…) — Émilie (Ma saison préférée, 1993), Lili (Le Lieu du crime, 1986)… Tous ces personnages qui se rejoignent dans des élans du cœur et du corps…

Muriel a vécu au Maghreb, et vu l’arrivée sur le sol français d’immigrés qui se sont installés, intégrés et dont certains travaillent aujourd’hui à ses côtés. Devant ce sentiment inconnu, face à ce jeune homme qui veut se battre au nom d’un idéal qui lui échappe à elle, et mourir pour les mêmes raisons obscures, elle est sans voix. Et aussi sans discours. Alors elle agit. Elle ne prémédite rien, réagit viscéralement, en fonction des événements, quitte à faire n’importe quoi, à aller trop loin pourvu qu’il ne passe pas la frontière.

Classique dans sa forme, parfois insistant sur les parallèles entre ces deux univers irréconciliables, mais aussi plus profond qu’il n’y paraît, le film se déploie au rythme de Muriel, de sa crainte de perdre Alex, se son désir de le sauver. Il bénéficie d’un casting de seconds rôles impeccables et du talent emballant des jeunes Kacey Mottet Klein (Quand on a 17 ans) et Oulaya Amamra (Divines). Catherine Deneuve, brune, terrienne et charnelle, rend tangible ce personnage de grand-mère courage, entre bulldozer et petit soldat, qui avance à l’instinct et que rien ne décourage.