Kursk

Haute pression

Thomas Vinterberg aux manettes d’un blockbuster européen tiré d’une catastrophe humaine. Gros pari, que le cinéaste réussit avec inspiration et brio collectif.

Instantanément, une ambiance. Rude et chaleureuse à la fois. Le climat froid d’une ville russe de bord de mer. Là, vivent des marins, sous-mariniers, des hommes, des femmes, des enfants. Thomas Vinterberg capte la force, l’entraide, et l’amour. Notamment celui du couple central, Mikhail et Tanya. L’empathie fonctionne. Le drame peut s’installer. Kursk raconte la tragédie survenue il y a dix-huit ans, le 12 août 2000, lorsque le sous-marin nucléaire soviétique Koursk fit naufrage. Le monde entier fut suspendu pendant neuf jours au devenir des hommes coincés dans la gigantesque carcasse, à cent mètres de profondeur, dans les eaux arctiques de la mer de Barents. Projet ambitieux. Scénario adapté de l’ouvrage clé A Time to die de Robert Moore, par Robert Rodat, connu pour ses scripts historico-épiques d’Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg et The Patriot de Roland Emmerich.

C’est sur invitation de Matthias Schoenaerts, qu’il venait de filmer dans Loin de la foule déchaînée, que le réalisateur danois atterrit sur le projet. Une commande qu’il décide de s’approprier. Il réussit à y faire coexister l’intime et le grand spectacle. Comme dans Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino, le récit est construit en trois temps, pour mieux traduire le drame humain. Judicieuse construction qui immerge totalement le spectateur. L’avant, c’est la communauté, un mariage, et les préparatifs aux manœuvres en mer. Le pendant, c’est la catastrophe qui éclate, et le suspense qui devient l’enjeu central. L’après, ce sont les funérailles et la terrible digestion de la tragédie. Le romanesque est puissant, mêlé à la portée documentaire sur le fonctionnement et la hiérarchie des hommes et des actes de survie en huis clos sous-marin. Une densité qui marche aussi par le maillage des points de vue : les sous-mariniers coincés sous l’eau, les familles à terre dans l’angoisse, et les autorités, militaires et gouvernementales, entre devoir patriotique et solidarité de marins.

Recréer un drame russe, en anglais, dans une production belgo-luxembourgeoise, avec des acteurs internationaux, et dans des décors belges et français, c’était casse-gueule. Technique et sensibilité servent l’aventure main dans la main. La mise en scène est ample et à l’os, comme dans le jeu avec les formats d’image, qui ouvre l’écran à l’épopée lorsque l’appareil entre en mer, et se resserre lorsque la fatalité déroule son fil, jusqu’à la cérémonie finale, saisissante par l’harmonie des chants orthodoxes, de la construction du cadre et de l’émotion à son comble. Et puis le casting à l’incarnation viscérale : Matthias Schoenaerts, Léa Seydoux, Colin Firth, Max von Sydow, Peter Simonischek, jusqu’au petit Artemiy Spiridonov, au regard décisif.