Guy

Valse mélancolique

Dans Guy, présenté en clôture de la Semaine de la Critique à Cannes en mai dernier, Alex Lutz est le septuagénaire Guy Jamet, ancienne gloire de la variété française, qu’il filme dans un faux documentaire aux accents mélancoliques émouvants.

Le comédien et metteur en scène Alex Lutz, 40 ans, est dans la force de l’âge. Dans Guy, moyennant cinq heures quotidiennes de maquillage, il incarne un homme vieillissant d’une trentaine d’années plus âgé que lui. Le résultat est saisissant de vraisemblance. Filmé souvent en gros plan, le visage d’Alex Lutz en Guy Jamet, fausse-ex-idole qui fait écho à Guy Marchand, Michel Delpech ou d’autres selon les références de cœur de chacun, fascine. Parce que derrière le masque de latex et ses pouvoirs illusionnistes se profilent un visage familier, capable d’épatantes transformations (Alex Lutz est très crédible en femme dans les sketchs cathodiques La Revue de presse de Catherine et Liliane, par exemple), et d’autres aux traits un peu semblables : Klaus Kinski, Claude François ou Belmondo, dont Alex Lutz empreinte la bouche souvent entre-ouverte et un timbre de voix similaire.

Guy d'Alex Lutz. Copyright Apollo Films.

Cette superposition mentale provoquée par cette image de cinéma suscite un vertige et de ce vertige naît une émotion.

Guy avance ainsi en faux documentaire, et tisse instants de vie au présent et images d’archives relatant les heures de gloire du chanteur dans un montage cadencé et fluide. Gauthier, le fils caché de Guy Jamet (que joue Tom Dingler, complice d’Alex Lutz depuis l’adolescence et fils du chanteur Cookie Dingler…), tient la caméra et scrute la personnalité de son géniteur sans se dévoiler à lui. Jeu de chat et de souris qui installe progressivement une complicité entre tendresse et âpreté, et des situations tantôt graves, tantôt légères.

Nous sommes toujours dans un entre-deux, dans Guy : entre ce qui fut, ce qui a disparu, ce qui subsiste, entre franchise et secret, roublardise et sincérité. Le film se nourrit de ce va-et-vient constant et de son ressac naît une profonde mélancolie qui lui donne toute sa substance, suscite sourires et larmes, et touche au cœur.