Une nuit dans un hôpital surpeuplé, avec seulement deux infirmières de garde et toute une foule de patients. Un film urgent sur l’urgence des lieux de soin. Avec Leonie Benesch, magistrale.
Dans le vestiaire, Floria enfile sa blouse bleu pétrole et chausse ses baskets avant son marathon quasi quotidien : sa garde de nuit dans un hôpital surbooké. Elles ne sont que deux infirmières pour un étage, et, réclamées de partout, elles filent de chambre en chambre, légères, attentives, prodiguant ici une pilule, là un mot gentil, ici une promesse. Littéralement dans les pas de Floria, la caméra de Petra Biondina Volpe (Les Conquérantes, 2017), en plans séquences véloces et cruels, capturant dans la lueur blafarde des néons la blancheur des draps, la pâleur des visages, capte tout : le manque de moyens et de personnel soignant, l’absence de lits et de solution, l’agacement ou l’incompréhension des patients et de leur entourage, la patience et l’humanité de Floria… Peu à peu, la fatigue la gagne, trop de peine, trop de questions, trop de stress ; elle ne peut gérer à elle seule toute la douleur du monde. Humaine, simplement humaine, Floria est face à un réel qui la submerge. Et nous avec elle.
Dans le droit fil des frères Dardenne, suivant son héroïne ordinaire qui se retrouve en guerre et court à perdre haleine, ce film germano-suisse sur l’hôpital ne dit, au fond, rien que l’on ne sache déjà. Mais il le fait avec justesse et cœur, porté à bout de bras par une comédienne d’une présence étourdissante, Léonie Benesch (La Salle des profs). Malgré toutes les alertes durant l’épidémie de COVID et ensuite, malgré les reportages, les articles dans la presse, les documentaires (Madame Hofmann de Sébastien Lifshitz), les films et les séries (notamment Hippocrate de Thomas Lilti), certaines vérités sont encore bonnes à dire. En première ligne, pose les faits et nous entraîne sans nous lâcher, comme dans un thriller, dans cette spirale qui semble ne jamais vouloir cesser.
Isabelle Danel