Da 5 Bloods

La fièvre dans le sang

Présent sur tous les fronts depuis le succès international de BlacKkKlansman (dont un Grand Prix à Cannes et le premier Oscar du réalisateur, pour son scénario), l’hyperactif Spike Lee a eu le temps d’enchaîner la réalisation d’une saison entière de sa série Nola Darling n’en fait qu’à sa tête, des courts-métrages et Da 5 Bloods, drame guerrier présenté sur Netflix.

Contrairement à son camarade Martin Scorsese qui a mûri de (trop ?) nombreuses années son Irishman, Spike Lee semble pris d’une frénésie de tourner, qui se ressent, pour le meilleur et parfois pour le pire, à la vision de son dernier long-métrage. L’argument en est simple : quatre hommes, vétérans de la guerre du Vietnam, reviennent de nos jours sur les lieux des combats pour, officiellement, enterrer les restes de leur chef d’escadron, et, plus secrètement, mettre la main sur des lingots d’or qu’ils ont été forcés de laisser sur place.

Sur ce canevas, Spike Lee tisse un récit où passé et présent se croisent (illustrés par des changements de formats et de tailles de cadre, du 1/33 au Scope), utilisant pour les deux époques les mêmes acteurs, sans recours particulier à des maquillages ou des effets numériques. Cette confiance (entièrement justifiée) dans la présence de ses interprètes, est une des grandes forces du film. Brillamment mené par Delroy Lindo, en vétéran aussi complexe que peu aimable, le quatuor d’acteurs permet à Spike Lee de passer avec aisance de scènes d’un comique parfois assez leste à un registre plus dramatique, sans que la cohérence de son film en souffre.

Mais le cinéaste, qui faisait déjà preuve d’assez peu d’inspiration pour les scènes d’action de BlacKkKlansman, donne vraiment l’impression d’avoir bâclé ses flash-back guerriers et plus généralement ses scènes mouvementées en recourant aussi massivement que maladroitement à de vilaines images de synthèse et en abusant, comme cache-misère, de la belle partition de son complice de toujours Terence Blanchard. Heureusement, ces scènes, fort peu nombreuses, ne sont pas représentatives d’un film qui brille par la richesse de sa narration et de ses effets de mise en scène. Ainsi que par la constance d’un réalisateur, toujours virtuose dans ses montages musicaux (ici, Marvin Gaye est à l’honneur) d’images d’archives, qui font de son film une œuvre vivante et fiévreuse, habitée par sa colère et son amour pour ses comédiens.