Eric Clapton, Life in 12 bars

« L’homme blanc parmi les noirs »

Le légendaire musicien Eric Clapton, probablement déçu par certains biopics consacrés aux stars qu’il a côtoyées, a pris les devants : commander un documentaire sur sa vie et s’y raconter. Mais est-on le mieux placé pour parler de soi ? Le doute plane…

La psychanalyse l’affirme : on ne vivrait que le temps de l’enfance. L’âge adulte ne serait qu’une conséquence de la jeunesse, un chemin où les souffrances, joies et talents arriveraient prédestinés. Eric Clapton devrait donc le spleen et la rage de vivre qui le caractérisèrent quatre décennies durant à sa mère. À neuf ans, découvrant le secret de famille qui entourait sa naissance, tout s’écroula. À partir de ce jour, Eric se mit en quête de recevoir l’amour dont ses parents l’avaient privé. Il le goûta auprès des femmes, de la musique et du public. Mais la douleur de l’abandon restait là. Et après les années soixante qui le consacrèrent comme une star du blues et du rock, l’alcoolisme et la drogue noircirent son existence.

Si l’on s’en tient à ces événements, le destin d’Eric Clapton apparaît très semblable à celui des autres icônes musicales. À l’instar de Bob Dylan impressionné par son jeu de guitare, et de Ray Charles avec qui il chanta, Clapton mena une vie punk faite d’excès. Comme quelques-uns, il semblait différent et on l’appela l’ovni ethnique, le corps blanc qui fait du blues. Et à l’image de bien des hommes et des femmes, il vécut un amour impossible et douloureux. Elle s’appelait Pattie Boyd, elle était l’amoureuse de son meilleur ami…

Retraçant le parcours du guitariste génial en homme fragile revenu de l’ombre, la réalisatrice Lili Fini Zanuck ne prend aucun risque. Pour les fans qui ont déjà lu une biographie du chanteur, le film ne les informe pas davantage.

Là où Eric Clapton, Life in 12 bars ne convainc pas, c’est lorsqu’il fait de l’exactitude d’une vie dévoilée, la promesse de la vérité. Pour comprendre quelqu’un, il ne suffit pas de mêler les points de vue sur sa personne et de varier le registre des archives et images qui l’évoquent. La singularité d’un individu, aussi connu soit-il, passe aussi par l’anecdotique et le mineur.

À la différence du documentaire Amy d’Asif Kapadia, consacré à Amy Winehouse, les moments les plus simples de la vie de Clapton ne sont pas soulignés et la sensibilité de l’artiste reste en retrait.

Dans le genre déjà si balisé du biopic, Eric Clapton, Life in 12 bars ne fait preuve ni de nouveauté ni d’inattendu.