Yesterday

All my trouble…

Et si plus personne ne se souvenait des Beatles, sauf un chanteur à la ramasse qui soudain aurait du talent et un répertoire quasi inépuisable ?

Renversé par un autobus, Jack, prof de chant qui tente en vain une carrière musicale, aidé et soutenu par sa collègue et amie d’enfance, Ellie, se réveille indemne… et unique être sur la terre ayant le souvenir de l’existence des Beatles. C’est le pitch de cette comédie réjouissante écrite par Richard Curtis (scénariste, entre autres, de l’excellent Coup de foudre à Notting Hill) et mise en scène par Danny Boyle. Le réalisateur britannique, avec le très raté T2 Trainspotting (2017), tentait un retour à ses épatants débuts (Petits meurtres entre amis, 1994 ; Trainspotting, 1996) ; ici, il retrouve (en moins dégoulinant) la veine de Slumdog Millionnaire, qui lui valut, tout de même, huit oscars à Hollywood.

Il y a beaucoup de belles idées dans cette histoire d’oubli et d’imposture, à commencer par le fait que, parmi les spectateurs, même les plus jeunes, tout le monde connaît forcément les Beatles. Par exemple, quand Yesterday est accueillie comme une magnifique chanson par ses amis, qui demandent aussitôt à Jack quand il a écrit cette merveille, ou lorsqu’un producteur américain émet ce commentaire sur Abbey Road : « l’image d’une rue sans intérêt où les voitures roulent dans le mauvais sens ».

Être le seul dépositaire d’une œuvre colossale ayant changé la face du monde et de la pop music induit beaucoup de joie et de ressources inespérées… et aussi pas mal de problèmes et de trouble au personnage de Jack, enseignant efficace, mais chanteur raté. À part lors d’une rencontre hors du temps avec un couple improbable de vieux Anglais, eux aussi heureux gardiens de la flamme des Fab 4, la mise en scène ne prend pas assez en compte le sous-texte sur la création et le vol artistique.. Car, grand public oblige, Yesterday lorgne aussi vers la comédie romantique et s’encombre un peu trop de faire exister un enjeu amoureux, charmant mais convenu, entre Jack et Ellie.

Mais l’idée de départ est belle et drôle et fonctionne très bien. Le film trouve son rythme entre les scènes de chant, de liesse des fans et de bourdes des interlocuteurs « ignorants ». La présence d’Ed Sheeran apporte un contrepoint amusant (très connu du jeune public, il l’est peut-être moins de ceux qui, justement, ont l’âge de tout savoir des Beatles). Et l’acteur Himesh Patel, qui trouve ici son premier grand rôle, chante joliment, a des dons irrésistibles de mime et déploie la gaucherie nécessaire pour faire passer l’étrange ambivalence de son personnage, dont on ne sait jamais vraiment s’il est un parfait cynique ou un grand naïf.