L’Intérêt d’Adam de Laura Wandel

État d’urgence

Le retour de Laura Wandel était attendu. Le résultat est au-delà des espérances. Sa nouvelle aventure saisit aux tripes et à la gorge. Cette plongée dans un hôpital réaliste et tendue comme un arc s’avère bouleversante. Avec un duo de choc : Léa Drucker et Anamaria Vartolomei.

Tout comme son premier long-métrage Un monde imprimait sa marque en une heure douze, Laura Wandel impose son deuxième opus en moins d’une heure treize. De l’art d’être concise, pour raconter pourtant beaucoup, et faire ressentir beaucoup aussi. Film d’ouverture de la Semaine de la Critique, L’Intérêt d’Adam saisit une situation d’urgence, comme tant d’autres, dans une unité hospitalière pédiatrique liée à la justice. Une infirmière en chef tente l’impossible : concilier son métier, son savoir-faire, son expérience, son champ d’action, ses limites, et ses préoccupations humaines, en contradiction avec certains de ses collègues, face à un cas qui l’anime particulièrement. L’enfance au cœur d’Un monde est à nouveau l’épicentre des enjeux, avec cette fois le rôle essentiel des adultes. C’est justement la relation entre eux et le rapport au parent qui devient le point névralgique de la sécurité et du bien-être enfantins. Adaptée au niveau de ses protagonistes, la réalisatrice remonte donc sa caméra à hauteur de ses personnages, en quittant la petite taille pour suivre avant tout Lucy.

Lucy, c’est Léa Drucker, à l’excellence chevillée au corps, d’autant plus que l’objectif lui colle ici aux basques, dans les couloirs, bureaux, chambres, ascenseurs, escaliers et allées et venues incessants. Face à elle, Anamaria Vartolomei saisit dans la peau d’une jeune mère minée par sa pathologie destructrice. Leur duo est une d’intensité folle, avec comme pierre angulaire un gamin à la présence démentielle vu son très jeune âge : Jules Delsart, alias Adam. La précision d’orfèvre de la narration et de la mise en scène, souvent menée par le plan-séquence, embarque le public en apnée. Exigeante dans son reflet documenté de la réalité, Laura Wandel n’en oublie pas la puissance de la fiction. Son équipe créative (Frédéric Noirhomme à l’image, Mathieu Cox au son, Nicolas Rumpl au montage) s’harmonise dans la méticulosité et la vitalité cadenassée de cette course contre la montre, dont le cheminement et l’issue ne délaissent jamais l’humanité. Mais sans une once de complaisance. Cette construction à l’os brille par sa force de frappe, et débouche sur un grand moment de cinéma.