Ciudad sin sueño de Guillermo Galoe

Vivre vite

Une énergie puissante irrigue les veines de cette immersion en plein bidonville périphérique de Madrid. Une « ville sans sommeil » qui épate par sa maîtrise stylistique et son récit captivant. Une ode à la jeunesse, à la communauté, à l’amitié et à l’envie de vivre. Et la révélation fracassante du réalisateur Guillermo Galoe.

Sacré film que Ciudad sin sueño, premier long-métrage de fiction signé Guillermo Galoe, en compétition à la Semaine de la Critique ! Le jeune cinéaste espagnol fait notamment suite à son œuvre courte Malgré la nuit (Aunque es de noche) – en lice pour la Palme d’or du court-métrage à Cannes 2023 et primé d’un Goya -, qu’il prolonge et transcende ici dans un récit foisonnant d’un peu plus d’une heure et demie. Un roman d’apprentissage à l’énergie contagieuse, sous forme de plongée dans le plus grand bidonville d’Europe, méconnu, la Cañada Real, en banlieue madrilène. Toni (Antonio Fernández Gabarre) a quinze ans, et vit en témoin le démantèlement en cours de son cadre de vie et de sa communauté rom, tout en disant adieu à son enfance. Alors il redouble de vitalité dans son quotidien, entre transmission des aînés, débrouille, bande de copains, dont son meilleur ami Saïd (Bilal Sedraoui), flirt naissant, course de lévriers et fascination pour les oiseaux.

Le cinéaste joue des textures et des formats d’image pour raconter le regard de l’ado sur le monde. Ce dernier filme avec son portable et voit l’univers en lui prodiguant des filtres et des couleurs fascinants, que la mise en scène propulse sur grand écran. Guillermo Galoe croit dur comme fer dans le passage de relais social et politique par le cinéma. Sa force tient à son talent de conteur, qui utilise à merveille le réel (lieux, situations, êtres humains), pour en faire des décors, des scènes et des personnages à la puissance émotionnelle âpre et bouleversante. Ciudad sin sueño s’avère une captivante odyssée sur l’attachement. À travers Toni, c’est toute une connexion à ce et ceux d’où l’on vient qui est célébrée, face au mercantilisme galopant. Avec une joie intense, qui ne fait pas l’économie du réalisme parfois le plus cru, mais en le transposant en poésie, par la bienveillance de la captation des visages et des âmes. Cette cité où l’on ne dort pas obsède longtemps après sa vision. Comme un très heureux sortilège.