En guerre

Compétition officielle

Stéphane Brizé signe un film coup de poing, engagé, rageur et interprété par des comédiens épatants de vérité, Vincent Lindon en tête.

Le nouveau film de Stéphane Brizé débute sur un reportage d’info de BFM TV, symbole même du survol rapide auquel nous sommes habitués, qui pose le cadre du récit avant d’y plonger avec plus de discernement : une lutte acharnée de 1100 salariés est en branle pour éviter les licenciements au sein de  l’usine Perrin Industrie qui a décidé, malgré des millions de bénéfices reversés aux actionnaires, la fermeture totale du site. Sur le terrain, les ouvriers en grève sont déjà fragilisés par la durée du conflit et le principal leader syndiqué organise la résistance. Celui là, Laurent Amédéo, affublé des couleurs écarlates de la CGT, tenace, furieux, vitupérant, c’est Vincent Lindon, l’acteur collaborant pour la quatrième fois avec le réalisateur qui, même s’il n’a la carte d’aucun parti, poursuit irrémédiablement la concrétisation d’un cinéma politique. Le tandem avait connu un succès international avec presque les mêmes intentions il y a deux ans, donnant naissance à La Loi du marché, auréolé d’un prix d’interprétation pour Lindon à Cannes, l’acteur devenant dès lors la figure de proue des causes perdues dans le tournis de la mondialisation. Si ce dernier fait preuve dans En guerre d’une fougue et morgue formidables, il est à la fois le prolongement et l’antithèse du personnage moustachu réduit au silence dans La Loi du marché. Surtout, il est soutenu par l’engagement très fort d’une ribambelle de comédiens non professionnels épatants et dignes, tour à tour enthousiastes et désespérés du côté des salariés maudits et très convaincants, étonnants et souvent implacables du côté de la direction et de l’État, sans que l’ensemble tombe jamais dans un manichéisme qui aurait détruit l’aspect documentaire, en suivant l’ensemble des étapes et tractations de l’affaire. Profondément humain et captivant, nimbé de violences et de trahisons subtiles, En guerre s’avère l’un des films les plus maîtrisés et salutaires de cette saison.